Vulnérabilités anciennes et nouvelles

Par Patrick Guillaumont, président de la Ferdi

« Le financement international face aux nouvelles vulnérabilités », tel a été le thème de la troisième des conférences organisées par le Labex IDGM+ sur le financement de l’Agenda 2030 dans un monde vulnérable. Cette troisième conférence pilotée par la Ferdi a réuni un large auditoire pour entendre les propos vigoureux, complémentaires et nourris, prononcés successivement par Masood Ahmed, Jean-Michel Severino, Paul Collier, Tidjane Thiam, Laureen Kouassi-Olsson, Christophe Bories, and Lisa Chauvet. On pourra lire sur le site non seulement un résumé de la session, mais aussi écouter ou réécouter cet important moment de diagnostic et de propositions. 

La réflexion sur la nature de la vulnérabilité, ses différentes dimensions et la façon de les mesurer, en utilisant des indicateurs adaptés à l’usage qui leur est destiné, se poursuit à la Ferdi et bien entendu en dehors d’elle.

Notons d’abord que l’indice de vulnérabilité économique (Economic Vulnerability Index EVI) utilisé aux Nations unies pour l’identification des pays les moins avancés a fait l’objet d’une révision importante lors de la dernière réunion du Comité des politiques de développement. Cet indicateur sur lequel la Ferdi a produit denombreux travauxa été à la fois simplifié et reconstruit de façon à prendre en compte de façon plus équilibrée les chocs d’origine externe et les chocs d’origine naturelle. Nous reviendrons prochainement sur cette réforme.

Pour la Ferdi il est important d’analyser de façon distincte, mais complémentaire la vulnérabilité dans ses trois principales manifestations : la vulnérabilité économique, la vulnérabilité physique au changement climatique et la vulnérabilité sociétale ou socio-politique. Les indicateurs des déterminants structurels de ces trois types de vulnérabilité et l’usage qui peut en être fait pour l’allocation de l’aide sont le thème de l’ouvrage Mesurer les vulnérabilités pour allouer l’aide au développement, en particulier en Afrique issu d’une étude faite par la Ferdi pour le Fonds africain de développement.

Les travaux sur les différentes dimensions de la vulnérabilité ont dès à présent abouti à d’autres publications. L’article The Physical Vulnerability to Climate Change Index: An Index to Be Used for International Policy récemment publié dans la revue Ecological Economics et présentant le Physical Vulnerability to Climate Change Index (PVCCI) est l’aboutissement (nécessairement provisoire) d’un travail commencé il y a près de dix ans et ayant fait l’objet de divers documents de la Ferdi, ainsi que de chapitres d’ouvrages. En 2015, le PVCCI avait été présenté lors de  la COP21 comme critère possible d’allocation des fonds d’adaptation entre pays en développement.

Le risque structurel de conflit interne est l’objet d’une autre publication récente. Dans le rapport Les déterminants des conflits internes dans le monde : Comment estimer les risques et mieux cibler les efforts de prévention ?  co-édité parla Ferdi, la Fondation Prospective et Innovation et la Fondation Leaders pour la paix, les auteurs Sosso Feindouno et Laurent Wagner qui avaient déjà publié sur ce sujet plusieurs documents présentent un nouvel indicateur de risque de conflit. Cet indicateur distingue risques structurels et risques non structurels et permet d’identifier les pays les plus vulnérables à l’égard de chacun de ces deux types de risque. Il ne s’agit évidemment en rien d’une prévision des conflits. Le travail vise seulement à montrer les facteurs objectifs qui constituent dans certains pays un risque de conflit et doivent être pris en compte dans une politique de prévention. Nul doute que cet indicateur sera discuté et fera l’objet d’améliorations, déjà esquissées dans le rapport.

Les trois dimensions précédentes de la vulnérabilité économique, pourraient dans le contexte du Covid 19 paraître trop restrictives et omettre la vulnérabilité sanitaire, qui domine les débats actuels. En fait la vulnérabilité sanitaire est un concept ambigu. Le terme désigne d’abord la vulnérabilité de la santé aux chocs quels qu’ils soient (économiques, climatiques, telluriques, volcaniques…épidémiques), mais aussi parfois la vulnérabilité de l’économie aux chocs sanitaires. Autrement dit la santé est considérée soit du côté de l’impact, soit du côté des chocs, soit encore des deux côtés. Par exemple, pour revenir à la brève récemment publiée sur la transmission internationale de mortalité, la première étape de cette transmission, l’effet récessionniste du confinement, traduit une vulnérabilité de l’économie par rapport à un choc sanitaire, alors que la dernière étape, l’effet de la récession importée sur la mortalité au Sud, reflète la vulnérabilité de la santé par rapport à un choc économique, relation mal connue, comme le montre la brève récente de Sosso Feidouno Connaît-on l’élasticité de la mortalité par rapport à une forte baisse du revenu dans les pays en développement ?. Quant à la réaction de la mortalité au Sud par rapport la mortalité au Nord, sur laquelle s’interroge la Ferdi elle exprime bien une vulnérabilité sanitaire saisie tant du côté de l’impact que du côté du choc. C’est pour la fondation un nouveau champ de recherche sur la vulnérabilité.

Anciennes ou nouvelles, les vulnérabilités des pays en développement correspondent au risque que les chocs exogènes qu’ils subissent compromettent leur développement durable. Ainsi que la Ferdi l’a souvent souligné depuis la préparation et l’adoption de l’agenda 2030, la vulnérabilité est le négatif de la durabilité.

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