Chaire Politiques de modernisation agricole en Afrique

Pour une politique agricole africaine au bénéfice de l’entreprenariat privé et de la professionnalisation des acteurs.


La chaire Politiques de modernisation agricole en Afrique a pour ambition d’associer agriculteurs, agro-industries, décideurs politiques et partenaires internationaux à une réflexion susceptible d’accélérer le développement du secteur agricole en Afrique et en particulier dans les pays d’Afrique subsaharienne.

Le secteur agricole et de l’élevage en Afrique se trouve dans une situation paradoxale où il occupe une place économique et sociale centrale sans toutefois parvenir à garantir l’autosuffisance alimentaire du continent et tout en maintenant une très grande majorité des populations rurales dans une situation de précarité et de pauvreté dangereuse.  

Les défis de l’agriculture en Afrique sont considérables face à l’urbanisation, à l’augmentation des importations, au manque de valeur ajoutée des produits et à la multiplication des risques, qu’ils soient climatiques, alimentaires ou sécuritaires.

Le secteur agricole reste au cœur des économies africaines.

Il contribue au PIB à hauteur de 23% et constitue un réel réservoir d'emplois puisqu'il représente en moyenne 55% de la population active de ces pays et que 70 % de la population globale vit de l’agriculture (ILOSTAT, 2017).


Les perspectives du côté de l’offre et de la demande sont prometteuses

L’Afrique abrite 60 % des terres arables non-exploitées dans le monde. Le potentiel d’irrigation des terres à partir des grands fleuves est considérable - 85 % des terres irrigables sont encore disponibles. Plus largement encore, l’Afrique dispose d’une réserve de 600 millions ha de terres non cultivées pouvant être mises en valeur notamment aujourd’hui par l’application de techniques agroécologiques de reconstitution des sols.

Quant à la demande, le marché africain est en pleine expansion portée par la croissance démographique en particulier dans les villes côtières avec l’urbanisation et l’émergence d’une classe moyenne. Comptant 1,2 milliard d’habitants en 2017, le continent devrait avoisiner les 2,5 milliards en 2050. 

Nourrir cette population est possible pour autant que soit conduite une révolution doublement verte où il faudra à la fois améliorer les performances techniques et économiques des systèmes d’exploitation et préserver les ressources naturelles dont notamment les sols, la biodiversité et l’eau tout en s’adaptant au changement climatique. 

Le constat tout compte fait est que l’agriculture africaine se trouve confrontée à un défi colossal lié à la croissance démographique, mais aussi aux effets du changement climatique. 

Mais l’Afrique importe de plus en plus pour se nourrir

La tendance des dernières décennies n’est pas encourageante car l’Afrique importe de plus en plus pour se nourrir. 

Les engagements publics pris par les Etats africains à Maputo en 2003 et 2014 de consacrer davantage de ressources budgétaires à l’agriculture n’ont pas été tenus tout comme ceux de promouvoir des produits de substitution à ceux importés. Il y a encore insuffisamment de transformation sur place et donc pas assez de valeur ajoutée créée. 

Le continent est de moins en moins auto-suffisant et l’alimentation pèse à la fois sur les budgets des ménages urbains et sur les balances des paiements. La dépendance alimentaire vis-à-vis de l’extérieur ne cesse de progresser du point de vue de l’accès aux protéines, aux corps gras, aux produits laitiers.

Cette situation est la résultante d’un grand nombre de facteurs, parmi lesquels probablement un système de production qui reste très extensif, notamment en Afrique de l’Ouest et du Centre, avec des exploitations familiales qui s’émiettent et maintiennent une bonne partie des acteurs en situation de grande précarité. La pauvreté demeure endémique dans les campagnes.

Ce constat s’inscrit dans un contexte général aggravé par la multiplication des risques notamment climatiques et environnementaux mais aussi sécuritaires dans de nombreuses régions.

Quatorze années après les émeutes de la faim, la guerre en Ukraine a ainsi une nouvelle fois révélé et aggravé la situation avec davantage de mal-nourris et des disettes qui pourraient s’amplifier. 

Notamment parce que son secteur agricole reste largement sous-financé

Paradoxalement, la plupart des stratégies actuelles, qu’elles soient nationales ou proposées par les bailleurs de fonds, conclue à la nécessité d’une amélioration de la productivité qui permettrait d’augmenter les revenus des agriculteurs, de réduire le coût de la nourriture, de promouvoir une croissance économique plus favorable à la réduction de la pauvreté et de garantir la soutenabilité des systèmes du point de vue de la préservation des ressources naturelles. 

Malheureusement, la réalité est tout autre. Les politiques publiques ne semblent pas clairement définies et surtout mises en œuvre avec la volonté d’améliorer les performances du secteur, ne serait-ce que pour répondre à la demande intérieure. 

Les pays d’Afrique subsaharienne n’investissent pas suffisamment dans des biens publics à fort rendement économique, notamment en s’appuyant sur une recherche et l’innovation pour développer et diffuser de nouvelles technologies et pratiques agricoles, mais aussi pour renforcer les mécanismes de mise en marché et les infrastructures rurales.

Sur ce dernier point, l’amélioration des conditions de vie en zone rurale est indispensable pour favoriser l’essor d’un secteur agricole fort et compétitif. Le manque d’infrastructures d’accès aux différents services nécessiterait, selon la Banque Mondiale, plus de 100 milliards € d’investissements annuels en Afrique au cours des prochaines années. L’amélioration des infrastructures est un axe stratégique de développement qui permettra notamment au secteur agricole et de l’élevage d’améliorer sa compétitivité, en baissant les coûts d’approvisionnement en intrants et de commercialisation des productions. Au-delà des aspects de logistique et de connectivité, les barrières administratives et régulatoires constituent aussi un frein majeur au développement d’une logistique africaine performante et devraient donc faire l’objet d’une action vigoureuse des pouvoirs publics au niveau national comme régional.

En Amérique latine et en Asie, les périodes de forte croissance agricole ont été marquées par la mise en place de programmes de promotion de technologies améliorées, de services de vulgarisation, d’une gestion de l’eau et des sols raisonnées et l’établissement de liens forts avec les marchés.

Au fond, cette discordance entre les intentions et la pratique explique très largement les contre-performances rappelées plus haut. 

Objectifs de la Chaire

↪ Encourager la structuration des filières de production et de transformation ou chaînes de valeurs.

 ↪ Examiner les voies de décarbonation et œuvrer à l’autonomie énergétique du monde rural.

 ↪ Renforcer les capacités d’expertise des petits producteurs.

 ↪ Étudier la faisabilité d’un véhicule financier spécifique et pérenne à l’attention du secteur agricole et d’élevage.

La Chaire « modernisation des agricultures africaines » soutenue par la FERDI se propose d’ouvrir un chantier dont la finalité est de vérifier la faisabilité et d’anticiper les impacts d’une stratégie résolument en faveur du renforcement de l’entreprenariat agricole, depuis les exploitants villageois et les éleveurs jusqu’aux agro-industries de transformation et de mise en marché, en incluant également les acteurs internationaux, parties prenantes des partenariats publics / privés.

Thèmes traités

La Chaire mobilisera toutes les expertises requises pour produire et publier des documents de référence dans lesquels les thèmes ci-dessous seront développés et argumentés. Elle organisera parallèlement une série d’ateliers et de conférences pour faciliter la modification des comportements et des politiques publiques. 

Comment mettre au point de nouveaux itinéraires techniques pour accroitre les volumes et la qualité et promouvoir quelques filières fortes ?

Les crises récentes n’ont fait que renforcer la nécessité d’assurer la souveraineté alimentaire. La plus grande partie de cette souveraineté passe par le développement de productions locales plus abondantes et compétitives à même de rencontrer la demande des marchés nationaux. La structuration des filières de production et de transformation est un des leviers de développement du secteur. Cette structuration nécessiterait notamment de réinvestir fortement dans la recherche et la vulgarisation, de faciliter un usage raisonné de l’eau d’irrigation, de développer des choix agricoles adaptés aux écosystèmes. 

Quelles voies privilégier pour décarboner la production agricole ?

La décarbonation nécessite de développer les filières d’approvisionnement en intrants non-chimiques mais aussi d’œuvrer à l’autonomie énergétique du monde rural, grâce notamment aux sources d’énergie renouvelable. A défaut d’une politique ambitieuse dans ce domaine, rien ne sera possible pour faire décoller l’agriculture et l’élevage. 

Comment renforcer l’action de chacun des acteurs des filières ?

Il faut pour cela encourager la création de coalitions autour d’ensembles cohérents d’activités, La structuration en filière ou chaînes de valeur, depuis la génétique animale ou végétale jusqu’à la commercialisation est essentielle pour améliorer la performance de millions de petits producteurs et d’éleveurs africains, leur résilience, leur capacité entrepreneuriale et les rendre davantage gestionnaire de leur développement. Pour contribuer à cette structuration, il faut certainement œuvrer à l’établissement de relations contractuelles plus fortes et plus équitables entre les producteurs indépendants, leur coopérative et les agro-industriels. 

Comment professionnaliser et accroître l’expertise des producteurs afin de relever le défi d’une transition vers un système alimentaire plus performant et plus résilient ?

Un des enjeux est de mieux former les acteurs de l’agriculture africaine pour s'adapter au changement climatique, réaliser la transition agroécologique et lutter contre la pauvreté extrême en milieu rural. Il faut donc agir en premier lieu au niveau de l’exploitant agricole. Pour cela, il est indispensable, en complément des dispositifs universitaires, de favoriser une évolution du professionnalisme des acteurs ruraux à travers des dispositifs souples de formation technique et continue le plus proche du terrain 

Pourquoi et comment financer davantage l’agriculture et l’élevage africains, notamment ses acteurs privés ?

D’une manière générale, les fonds publics mobilisés pour accompagner les investissements privés en Afrique s’intéressent très insuffisamment au secteur agricole et à l’élevage. Quand ils existent, ces financements passent par les Etats avec des risques de lenteur et de déperdition dans leur mise en œuvre. En tout état de cause, ils ne bénéficient que trop rarement directement aux opérateurs privés. Certaines institutions financières et fonds d’investissement peuvent certes s’intéresser à l’agriculture, mais, sauf rares exceptions, leurs interventions sont tenues de respecter des niveaux de rentabilité élevés sur des périodes relativement courtes de 5 à 7 ans souvent incompatibles avec les risques de l’agriculture et de l’élevage et avec le temps long nécessaire pour faire émerger les projets. Pour que les besoins d’investissement des acteurs concernés, de l’amont à l’aval des chaînes de valeur, soient davantage et mieux financés, il est par conséquent proposé d’étudier la faisabilité de créer un véhicule spécifique pérenne, géré par un opérateur privé, entièrement dédié au financement de l’amorçage et du développent des structures de production, notamment les PME. Cet instrument devrait être doté de toutes les ressources nécessaires y compris concessionnelles, de façon à pouvoir répondre aux risques spécifiques de ce secteur sur des durées d’intervention suffisamment longues. L’instrument permettrait ainsi de dé-risquer (à travers un mixage souple de ressources en dons et en prêts) certains investissements hautement pertinents mais qui présenteraient une rentabilité différée ou ne se feraient pas sans ce soutien. 

Équipe dirigeante de la chaire

Jean-Marc GRAVELLINI, Responsable de la Chaire, ancien Directeur général de l’Alliance Sahel, ancien Directeur des opérations à l’Agence Française de Développement.

Catherine ARAUJO BONJEAN, Chercheur au CNRS, Cerdi, Conseillère scientifique de la Chaire.

Bagoré BATHILY, Directeur général de La Laiterie du Berger, Sénégal.  Point focal Afrique de la Chaire. 
La laiterie du Berger est une entreprise sénégalaise se donnant pour mission de réduire la pauvreté au Sénégal en faisant appel au savoir-faire local et en améliorant les conditions de vie des éleveurs.


Réalisations 2023-2024

Une étude sur la structuration d’un fonds pour les entreprises privées dans les secteurs agricole, agro-industriel et d’élevage a été réalisée dans le cadre du partenariat avec la Commission de l’UEMOA. Un modèle de financement mixte (blended finance) est proposé par la chaire pour atténuer les risques pour les investisseurs privés et mobiliser davantage de fonds vers le secteur agricole africain. Cet outil a été présenté et discuté en conférence le 26 juin 2024.

Le 3 octobre 2023, lors du Sommet de l’élevage à Cournon d’Auvergne en France, la chaire a réuni quatre chefs d’entreprises laitières de pays sahéliens ainsi que des chercheurs en sciences sociales. Ils ont pu échanger sur la disponibilité et l’accessibilité des aliments pour bétail.

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