De New York à Doha, de Doha à Paris. La conférence sur les PMA dans la perspective du Sommet de Paris

Après deux reports en raison de la pandémie de Covid, la cinquième Conférence des Nations unies sur les Pays les moins avancés - qui a lieu tous les dix ans - s’est finalement tenue à Doha en mars 2023. Au demeurant, l’Assemblée générale des Nations unies avait adopté en mars 2022, soit en amont de la conférence, le programme d’action 2021-2030. La Conférence de Doha (LDC 5) a donc dû porter sur la mise en œuvre du programme déjà adopté. De plus elle s’est inscrite dans la perspective du Sommet annoncé pour le mois de juin à Paris sur le financement des pays vulnérables et dans celle de la définition par les Nations unies d’un indicateur de vulnérabilité multidimensionnelle, dont l’aboutissement est prévu pour la même période.

La Ferdi, dont une part importante des travaux concerne les vulnérabilités, les pays les moins avancés et leur financement a été activement présente à la Conférence de Doha, notamment au cours de cinq événements qui lui ont permis de faire valoir ses idées.

Le premier événement organisé par la Ferdi en début de conférence portait sur la logique, l’impact et les perspectives de la catégorie des PMA. Il avait pour but de célébrer le 50e anniversaire de la catégorie (créée en 1971) et de s’interroger sur sa signification et son rôle aujourd’hui et prolongeait l’événement sur le même thème qui avait eu lieu à Paris en décembre 2021 en préparation de Doha. Il a permis de faire valoir à partir des travaux de la Ferdi que la catégorie regroupant encore 46 pays membres garde encore sa logique, mais que sa cohérence pourrait être accrue par une modernisation des critères servant à identifier les PMA et un renforcement du rôle qu’y jouerait la vulnérabilité (Guillaumont P, 2021 : La logique de la catégorie des Pays les moins avancés au cours d’un demi-siècle). Cet événement a aussi permis aux principaux auteurs de l’ouvrage Out of the trap de présenter les principaux résultats de la révision à paraître.

La Ferdi a de plus organisé un événement en collaboration avec le Centre de développement de l’OCDE et UNU WIDER dans le but de lancer un « LDC 5 Monitor », suite du LDC 4 Monitor. Regroupant plusieurs think tanks et institutions du Nord et du Sud, l’objet du LDC 5 Monitor sera de porter un regard indépendant sur la mise en œuvre du programme de Doha en examinant notamment dans quelle mesure elle s’attaque aux vulnérabilités caractéristiques des PMA et contribue à leur transformation structurelle. Cette initiative a reçu le soutien de la Finlande, de la France, ainsi que l’approbation de UN-OHRLLS. L'OIF, le Secrétariat du Commonwealth et divers autres pays ont également manifesté leur intérêt à y participer. Dans le cadre de cette initiative, la Ferdi aurait plus particulièrement la charge de suivre la vulnérabilité des PMA.

Le souhait de voir adopté un indice de vulnérabilité universel, multidimensionnel et structurel (ou exogène, c’est à dire indépendant de la politique présente) et à ce titre susceptible de justifier un niveau d’aide pour le développement (APD) plus élevé a fait l’objet d’un événement important “Parvenir à une mesure équitable et complète de la vulnérabilité: perspectives des petits États insulaires en développement (PEID) sur l'indice de vulnérabilité” organisé par le Président de la République des Seychelles, Wavel Ramkalawan, en sa qualité de président du groupe des pays insulaires, la Secrétaire générale de l’OIF, Louise Mushikiwabo, celle du Commonwealth, Patricia Scotland, et avec la participation de plusieurs ministres dont la Secrétaire d’État française Chrysoula Zacharopoulou. Il m’a été demandé de modérer cet événement dont le thème correspond à une priorité pour la Ferdi et qui a fait l’objet de plusieurs de ses publications (Guillaumont P., Wagner L., 2022  : Trois critères que doit remplir un indice de vulnérabilité multidimensionnelle pour être utilisé efficacement ; Guillaumont P, 2023 : Prendre en compte la vulnérabilité dans la répartition mondiale des financements concessionnels ). Ainsi qu’il avait été convenu à l’issue de ce panel, un autre événement associant les mêmes institutions partenaires devrait être organisé en amont ou pendant le Sommet de juin afin de porter plus avant le même message.

L’adoption de l’indice de vulnérabilité multidimensionnelle (MVI) et même un consensus sur son usage n’aura pas au demeurant tout l’effet qui en est parfois attendu. C’est ce que j’ai fait valoir dans un autre panel qui avait pour titre « MVI and Graduation » et où j’étais invité. En supposant qu’un consensus se dégage sur l’utilisation du MVI, on pourrait imaginer en particulier qu’il remplace l’indice EVI utilisé par le CDP pour l’identification des PMA. Ceci constituerait en soi un progrès, mais ne changerait pas (ou n’aurait quasiment pas changé) la probabilité de graduation des pays qui se sont trouvé éligibles. En effet la plupart des pays qui ont été « gradués » ou sont simplement éligibles à la graduation (la seule exception est celle du Népal) l’ont été sur la base des deux autres critères que la vulnérabilité, à savoir le revenu par tête et le capital humain. Pour que la substitution du MVI à l’EVI ait un impact sur la graduation des pays vulnérables, il faudrait que les règles mêmes de graduation soient changées, en agrégeant les indicateurs de faiblesse du capital humain et de vulnérabilité en un indicateur de handicap structurel, voire ces deux indicateurs avec la faiblesse du revenu par tête. Certes ce résultat pourrait être obtenu, bien que dans une moindre mesure, sans substituer MVI au EVI, dès lors que les règles de graduation seraient changées dans le sens indiqué. Mais précisément un consensus sur le MVI conduisant à le substituer à EVI pour la graduation des PMA pourrait fournir l’occasion de changer enfin ces règles (Guillaumont P., 2023 : Vers un indice de vulnérabilité multidimensionnelle : six notes d'appui, Ferdi, 38 p.). 

Il est un cinquième événement, portant sur l’enjeu numérique dans les PMA, qui était organisé par l’OIF, et auquel la Ferdi participait tant par la préparation que par la présentation d’un rapport de Joël Cariolle. La tenue de cet événement a été écourtée pour des raisons d’agenda, mais les échanges engagés à cette occasion ont été le point de départ d’une nouvelle phase de coopération entre l’OIF et la Ferdi dans le domaine de la vulnérabilité numérique. 

Sans doute la conférence sur les PMA, déplacée d’un an, s’est-elle trouvée plus orientée vers la façon de répondre à la vulnérabilité des pays les moins avancés qu’il n’aurait été le cas si elle avait eu lieu en janvier 2022. Entre-temps en effet les facteurs d’instabilité et de vulnérabilité se sont amplifiés de façon critique et diverses initiatives ont vu le jour invitant à les traiter vigoureusement. C’est en particulier le cas de l’Initiative de Bridgetown et de l’annonce faite par le président Macron à l’issue de la COP 27 qu’un Sommet se tiendrait sur le financement des pays vulnérables au mois de juin 2023, Sommet qualifié maintenant de Sommet pour un pacte financier global. La Ferdi a eu à s’adapter à ces priorités du moment qui rejoignaient celles qui étaient les siennes depuis longtemps. Nous y reviendrons prochainement à l’occasion du Sommet. 

La Ferdi a notamment produit dans cette perspective divers documents qui prolongent les réflexions présentées à Doha sur la façon dont la vulnérabilité peut et doit être prise en compte dans le financement du développement. Souhaitons que les PMA, comme les autres pays vulnérables, reçoivent à l’occasion du Sommet de juin toute l’attention qui leur est due.  

Publications
Toutes les publications

Événements
Tous les événements