Modération : Pr. Patrick Guillaumont, Président de la Ferdi.
L'objectif était de faire réagir ce panel de haut niveau sur l'opportunité et la faisabilité de la prise en compte de la vulnérabilité dans l'accès aux financements concessionnels.
Pour rappel, en juin dernier, au Sommet de Paris, la Déclaration pour une vision commune des banques multilatérales de développement invitait les banques multilatérales à explorer l'éligibilité aux financements concessionnels pour les pays les plus vulnérables avec une approche multidimensionnelle de la vulnérabilité, englobant les dimensions économiques, environnementales et sociales. Et les conclusions de la présidence du Sommet indiquent que "pour atténuer les vulnérabilités [...] il est nécessaire d'identifier les conditions et les critères selon lesquels des financements concessionnels à faible coût pourraient être mobilisés pour relever les défis mondiaux [...] et de veiller à ce que cela n'ait pas d'impact négatif sur les allocations aux pays les plus pauvres".
La discussion a débuté par un rappel du concept de vulnérabilité. La vulnérabilité couvre différentes dimensions (économique, environnementale-climatique et sociale) et peut être structurelle ou non, c’est-à-dire indépendante ou non de la volonté politique actuelle des pays bénéficiaires. Les panélistes ont à ce titre souligné le travail rigoureux mené par la Ferdi depuis de longues années pour définir et affiner un cadre conceptuel solide.
Pourquoi considérer la vulnérabilité ?
Tous les panélistes ont rappelé l’importance de considérer la vulnérabilité dans les analyses sur le développement. La récurrence des crises ces dernières années sont autant de situations de chocs illustrant ce besoin, faisant de la vulnérabilité un sujet désormais incontournable, en particulier pour les pays caractérisés par d’importants handicaps structurels.
Considérer la vulnérabilité est à la fois une question de justice, la prise en compte de la vulnérabilité en tant que handicap structurel contribuant à égaliser les chances de chacun, d’efficacité, l'impact marginal de l'aide étrangère étant plus élevé dans les pays vulnérables et le renforcement de la prévention étant plus efficace que la compensation ex-post des chocs, et de transparence en évitant de multiples exceptions discrétionnaires et de guichets spéciaux.
Comment prendre en compte la vulnérabilité dans les politiques publiques
Après le vif plaidoyer des panélistes en faveur du concept de vulnérabilité, en particulier de la part des représentants des pays en développement, les intervenants ont pu échanger sur la façon dont la vulnérabilité peut être prise en compte dans les politiques publiques.
Il faut d’abord pouvoir la mesurer au gré d’un indice à la fois exogène pour rester indépendant de la politique actuelle, multidimensionnel, et universel, trois conditions remplies par l’indice de vulnérabilité multidimensionnelle (MVI) présenté à l’occasion des Assemblées annuelles par l’USG Rabab Fatima qui a pu mentionner l’important travail mené par les Nations Unies pour le définir. Ces conditions sont également remplies par l’indice de vulnérabilité universelle (UVI) du Commonwealth que Rt Hon. Patricia Scotland a pu mentionner. Cette dernière a surtout souligné que l’étape primordiale dans la prise en compte de la vulnérabilité réside dans l’utilisation qui sera faite de ces indices.
Un tel indice est naturellement attendu pour être utilisé comme critère à la fois d’éligibilité aux fonds octroyant des ressources concessionnelles, et, encore plus important, d’allocation de ces ressources entre pays afin de les distinguer selon leurs besoins. Plusieurs intervenants ont souligné que la prise en compte dans l’allocation d’un indice de vulnérabilité de ce type était particulièrement importante, en combinaison adéquate avec le revenu par tête, les deux n’étant pas substituables.
Les banques multilatérales de développement doivent s’emparer d'un indice de vulnérabilité
Les représentants des pays en développement ont, sur cette base, appelé les banques multilatérales de développement à considérer la vulnérabilité et un indice de ce type dans la répartition de leurs ressources afin de mieux cibler les pays les plus vulnérables à faible revenu. Cet appel peut s’appuyer sur la "Déclaration pour une vision commune des banques multilatérales de développement " du Sommet de Paris de juin dernier qui invitait les banques multilatérales à explorer "l'éligibilité aux financements concessionnels pour les pays les plus vulnérables avec une approche multidimensionnelle de la vulnérabilité, englobant les dimensions économiques, environnementales et sociales". Il a été rappelé à ce titre la faisabilité d’une telle approche, au regard de l’expérience de l’Union européenne ou de la Banque caribéenne de développement.
Les deux représentant des banques multilatérales de développement, Banque mondiale et Banque africaine de développement, ont reconnu la nécessité d’adapter l’architecture internationale des financements du développement pour aller vers une meilleure prise en compte de la vulnérabilité dans toutes ses dimensions. Ils ont tour à tour rappelé l’évolution de l’action de leurs banques respectives en ce sens ces dernières années, même si l’inclusion opérationnelle d’un tel indice dans les modèles d’allocation de leurs fonds concessionnels n’est pas encore clairement considérée à ce stade. Le Vice-Président de la Banque mondiale a cependant évoqué la perspective d’une réflexion ouverte sur ce sujet lors des prochaines discussions sur l’avenir de l’IDA (International Development Association).