Cette conférence s'inscrit dans les activités de la Chaire de la Ferdi "Politiques de modernisation agricole en Afrique".
Elle visait à illustrer la question du financement des entreprises agricoles africaines au moment où les pouvoirs publics français, sous la pression des acteurs économiques, élaborent les contours d'un instrument / guichet adapté aux enjeux du secteur et aux besoins de ses opérateurs privés.
Les intervenants ont partagé leur témoignage et leur vécu et ont formulé les pistes à explorer pour permettre à l’agriculture africaine de relever le défi de la sécurité alimentaire dans un environnement économique viable, tout en améliorant les conditions de vie de ses acteurs et en préservant les ressources naturelles.
Le secteur agricole et de l’élevage africain se trouve dans une situation paradoxale où il occupe une place économique et sociale centrale sans toutefois parvenir à l’autosuffisance alimentaire et tout en maintenant une très grande majorité des populations rurales dans une situation de précarité dangereuse.
Quatorze ans après les émeutes de la faim en 2008, la crise sanitaire puis la guerre en Ukraine ont à nouveau montré la difficulté du continent à assurer sa propre sécurité alimentaire.
Ces crises successives mettent en avant les difficultés particulières du continent africain en la matière : depuis les indépendances, si la production agricole a grosso modo suivi l’accroissement de la population, le déficit commercial alimentaire du continent demeure très important : plus d’une trentaine de milliards de dollars en 2018. La productivité agricole africaine demeure la plus basse du monde, et augmente faiblement, à l’exception de quelques grandes cultures de rente, comme le coton.
Face à cette situation inquiétante, les villes, fortement importatrices, sont vulnérables à l’augmentation des cours mondiaux des produits alimentaires de base.
Pour répondre au défi alimentaire du continent, l’agriculture africaine va donc devoir devenir plus intensive. Elle devra aussi améliorer la performance de ces chaines de valeur, pour pouvoir servir les attentes des consommateurs africains. Enfin, il lui faudra être rémunératrice : malgré l’urbanisation, le nombre de personnes vivant dans les zones rurales ne devrait pas décroitre d’ici à 2050, tandis que la pauvreté « absolue » devrait s’y concentrer.
L’agriculture fait donc aussi partie du grand combat pour l’emploi et contre la pauvreté que doit livrer le continent africain, avec l’appui de ses partenaires publics et privés. Mais l’agriculture africaine devra aussi être durable, pour incorporer les dimensions désormais incontournables comme la préservation de la biodiversité, de la santé et du climat.
Les leviers pour agir sont nombreux. Le premier est à l’évidence la politique agricole de chaque pays. Celle-ci, dans ses multiples composantes (recherche, équipement rural, formation, vulgarisation, politique foncière, politique de prix etc…) peut et doit être appuyée par les instruments classiques de l’aide au développement, qui pourraient se mobiliser davantage, en prenant en compte l’environnement de manière novatrice : en Afrique, les budgets publics consacrés à l’agriculture ont baissé et sont en proportion du PIB les plus bas du monde – environ¨0.5 % en 2019 selon la FAO.
Mais il serait également particulièrement performant de contribuer à structurer les chaines de valeur agricoles africaines en intervenant directement au cœur du système productif. En effet, les entreprises de production, de transformation et de commercialisation, que leur statut soit privé, coopératif ou associatif, jouent un rôle majeur pour organiser et financer les filières de l’amont notamment au bénéfice de la paysannerie africaine, jusqu’aux consommateurs et ainsi créer un marché domestique continental.
Mais ces entreprises sont encore trop rares, malgré l’impressionnante vitalité de l’entrepreneuriat africain. Les difficultés que rencontrent les promoteurs agricoles se concentrent largement sur l’accès au financement et aux ressources humaines. Ces contraintes sont encore plus grandes que pour les autres domaines de l’entrepreneuriat, les risques étant plus élevés et les rentabilités encore plus aléatoires, dans un contexte de fragilité accrue des pays.
Fort de ces constats et eu égard à son potentiel lié à la force de travail, à la disponibilité en eau et en terre, le monde rural africain doit par conséquent pouvoir s’ouvrir à toute forme d’exploitations respectueuses de l’environnement et s’organiser pour répondre à la demande alimentaire d’une population qui va croître et s’urbaniser.
Relever ce défi est possible si l’on mise sur le dynamisme d’entrepreneurs, femmes et hommes, africains et européens, à qui il faut permettre de libérer leur énergie, en mettant à leur disposition les ressources financières qui leur manquent actuellement.
Animateur : Jean-Marc Gravellini, Responsable de la Chaire Politiques de modernisation agricole en Afrique à la FERDI.
Mot de bienvenue et introduction : William Roos, Chef du service des Affaires multilatérales et du développement à la Direction générale du Trésor, Ministère de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique
Les intervenants, engagés auprès des entreprises agricoles en Afrique, partageront leur expérience et leur témoignage sur les défis auxquels est confrontée l'agriculture africaine, en particulier du point de vue du financement des entreprises agricoles, depuis les exploitations familiales jusqu’aux groupes agro-industriels.
Intervenants et points de discussion :
Catherine Araujo, Senior Fellow FERDI, Conseillère scientifique de la Chaire Politiques de modernisation agricole en Afrique
Le financement, clé de voûte des chaînes de valeur de l’agroalimentaire.
Issa Sidibé, Cofondateur et Co-DG de NEPER Ventures
Présentation des résultats des enquêtes menées en Côte d’Ivoire et au Burkina Faso sur les freins au développement des exploitations agricoles, notamment en terme d’accès au financement et de compétences techniques.
Papa Fata Ndiaye, directeur général de Sodefitex au Sénégal (en visio)
Les filières cotonnières intégrées.
Etienne Giros, Président du CIAN et Président de l’EBCAM (European Business Council for Africa and Mediterranean)
Le point de vue des investisseurs français et européens en Afrique. Les enjeux des investissements étrangers dans le secteur agricole en Afrique: opportunités et limites. Quelles pourrait être la contribution des entreprises privées françaises et européenne et sous quelles conditions ?
Alexandre PONCET, Directeur Communication et Relations Institutionnelles du Groupe Limagrain (en visio)
Expérience des coopératives agricoles en France - accès aux intrants, crédit, services, etc. Le maintien d'une dynamique coopérative au sein d'une multinationale : l'exemple de Limagrain. Comment répliquer cette « success story » en Afrique ?
DISCUSSION
Échanges avec la salle et les internautes
Ce panel réunira les différents acteurs (représentants des pouvoirs publiques, de bailleurs de fonds, d’investisseurs, d’entreprises,) pour présenter les solutions existantes et envisagées et débattre des contraintes à lever pour relever ces défis.
Intervenants et points de discussion :
Florian Léon, Chargé de recherche, FERDI
Cadrage théorique sur les mécanismes de financement des entreprises privées du secteur de la transformation agroalimentaire.
Fadila Hamdane, cheffe de la Division Manufacturing, Agrobusiness et Services chez PROPARCO.
Les propositions d'une Institution de Financement du Développement et des Entreprises Privées pour relever le défi de la sécurité alimentaire en Afrique dans le cadre de l'initiative FARM (Food & Agriculture Resilience Mission).
Zoltan AGAI, Chargé de mission, Direction Générale des partenariats internationaux (DG INTPA), Commission Européenne (en visio)
La Commission de l'Union Européenne souhaite davantage accompagner les entreprises privées pour relever en Afrique le défi de la sécurité alimentaire. Elle a depuis quelques années permis la création de fonds de financement et lancé des initiatives pour fédérer les bailleurs de fonds autour de cette ambition. Il s'agira ici de rappeler la place accordée aux entreprises privées pour bâtir des systèmes alimentaires durables et résilients et de décrire les instruments promus à cette fin.
Ange Pete, Cofondateur et Co-DG de NEPER Ventures.
La réponse originale d'un fonds d'investissement africain adapté aux besoins des exploitations agricoles du point de vue de l'accès au financement mais prenant aussi en compte l'accès à la formation et l'intégration dans des chaînes de valeur.
Bagoré Bathily, Directeur Général, La Laiterie du Berger, Point focal Afrique de la Chaire Politiques de modernisation agricole en Afrique (en visio)
Du rôle déterminant d'une entreprise agro-alimentaire privée dans la structuration d'une chaine de valeur au Sénégal et de sa contribution à des missions d'intérêt général. Quel soutien attendu dans ce cadre des pouvoirs publics ?
Pierre Arnaud, Investisseur dans la production fourragère en Mauritanie - Administrateur du Cian et membre d’ALFA
Dans la panoplie des outils de financement des entreprises privées agricoles en Afrique, quels seraient les contours d'un instrument adapté aux besoins de l'entreprenariat agricole dans un contexte où les risques sont naturellement plus élevés et où les enjeux de développement sont considérables.
DISCUSSION
Échanges avec la salle et les internautes