Cette nouvelle table-ronde a porté sur l’allocation des DTS recyclés, en particulier sur les critères qui pourraient être choisis pour tenir compte au mieux de la vulnérabilité des pays et de son caractère multidimensionnel, et sur l’utilisation de ces DTS par les gouvernements bénéficiaires.
Table-ronde modérée par Patrick Guillaumont, Président de la Ferdi
Panélistes :
La réallocation volontaire d’une partie des DTS des pays avancés vers les pays les plus vulnérables est sans doute porteuse d’une des plus importantes transformations du système monétaire international de ces dernières années. L’attention s’est jusqu’à maintenant concentrée sur les canaux de cette réallocation, en raison de la nécessité de préserver la nature d’actif de réserve des DTS. Il est tout aussi important de discuter de la répartition géographique et de l’utilisation de ces DTS. Or le choix des canaux préempte en partie cette discussion. Par exemple les DTS qui seront prêtés au Fonds FRPC seront répartis et utilisés conformément aux règles de ce Fonds, c’est-à-dire en fonction des quotas des États demandeurs, dans le cadre de programme de réformes agréés par le FMI et sous forme d’aides à la balance des paiements, c’est à dire d’aide budgétaire non affectée. Mais ne faut-il pas inverser la logique et déterminer des canaux en fonction des pays à qui on doit les prêter et pour quel usage?
1) A qui prêter les DTS ?
Lors du précédent webinaire organisé sur ce sujet par le Center for Global Development (CGD) et la Ferdi en juillet dernier, il est apparu que, si plusieurs canaux de redistribution des DTS sont envisageables, un enjeu important du débat est la détermination des bénéficiaires et comment ceux-là seront-ils ciblés. Une conclusion du webinaire a été que la vulnérabilité des pays, dans toutes ses dimensions, devrait guider cette redistribution. Ceci pose plusieurs questions.
Est-il possible que, pour légitimer ce choix, l’adoption d’un modèle d’allocation simple et transparent prenant en compte les multiples vulnérabilités soit défini ? Quel indicateur de vulnérabilité (qui devrait être universel et multidimensionnel) retenir ? Comment l’appliquer si l’on retient plusieurs canaux de redistribution des DTS ?
D’autre part les critères de répartition géographique des prêts tant par le FMI (les quotas) que par la Banque mondiale (l’allocation en fonction de la performance) qui sont les deux principaux canaux envisagés ne prennent pas en compte la vulnérabilité des pays. Leur pratique pourrait-elle changer pour la répartition des DTS réalloués?
Le recyclage des DTS en fonction de la vulnérabilité des pays est conforme à l’objet de la nouvelle allocation de DTS qui est, en répondant au besoin à long terme de réserve, d’accroître la résilience et la stabilité de l’économie mondiale et d’aider les plus vulnérables économies à faire face à l’impact du COVID-19 (Déclaration de Kristalina Georgieva, IMF Managing Director du 2 août 2021 et Communiqué du G7 de juin 2021). Mais si la réallocation des DTS est conçue comme une source supplémentaire de financement du développement à long terme, un critère d’efficacité pourrait s’imposer. D’où la deuxième question.
2) A quoi peuvent servir les DTS ?
La première solution est de conserver aux DTS leur finalité première qui est celle d’actifs de réserve pour faire face à des crises de balance des paiements. Les DTS réalloués seraient utilisés d’une manière identique aux DTS directement alloués. Dans ce cas, l’interaction avec les autres facilités d’urgence, notamment du FMI est à examiner de près pour éviter tout arbitrage qui conduirait à éluder ou retarder la conditionnalité attachée aux financements du FMI.
D’autre part se pose la question du coût de l’usage de ces DTS. Dans la mesure où donner des DTS ne présente pas, du point de vue du pays donateur, un avantage important par rapport à des crédits budgétaires classiques, les DTS recyclés seront pour les pays récipiendaires des ressources d’emprunt, en devises et avec des taux d’intérêt de marché. Même si les taux sur le DTS sont beaucoup plus bas que ceux que pourraient obtenir les pays récipiendaires, ils restent significatifs si on y ajoute le coût de l’ingénierie financière pour préserver le statut d’actif de réserve des DTS. Dans ces conditions, une première question, particulièrement pour les PFR est celle de l’arbitrage avec la soutenabilité de l’endettement.
La solution standard de cet arbitrage est de financer des investissements d’avenir avec une forte rentabilité à long terme. Dans ce cas, le financement par DTS constituerait une source supplémentaire ou alternative de financement du développement. Comment éviter les effets de substitution à l’APD classique et à maximiser l’effet de levier ? L’efficacité de cette allocation serait également accrue si les DTS palliaient la pro cyclicité de l’investissement public particulièrement forte dans les pays vulnérables. Une autre affectation possible des DTS serait de financer la préparation et l’adaptation à des risques extrêmes, en matière de santé ou de climat, avec donc une très forte rentabilité en cas de matérialisation de ces risques. Dans ces conditions faut-il prévoir/imposer une affectation à ce type de dépenses.
Enfin, se pose la question de la conditionnalité de ces prêts en vue de limiter l’arbitrage avec les facilités du FMI et des BMD. Il y a la possibilité de les adosser complètement aux conditionnalités existantes ou de prévoir une conditionnalité ad hoc. Une autre question annexe : doit-on conférer aux créanciers de ces prêts, le statut de créancier privilégié, comme c’est le cas aujourd’hui à travers le financement du PRGT.