Tapez « Sahel » dans un moteur de recherche Internet et vous verrez que le flux d’actualité correspondant ne prête guère à l’optimisme. Les problèmes de développement et de sécurité occupent en effet la majeure partie des articles suggérés. Loin d’être une méthode scientifiquement rigoureuse, cette simple recherche illustre néanmoins combien il est pertinent pour les acteurs sahéliens et leurs partenaires de redoubler d’efforts pour que la sous-région surmonte ses immenses défis.
La Chaire Sahel est un de ces acteurs. Elle a été pensée comme un outil de réflexion et de promotion de l’expertise sahélienne dans le but d’éclairer les décisions des acteurs publics et privés pour le développement durable de la région. L’essence même de la Chaire est de contribuer à une plus grande efficacité des actions pour le développement.
Elle est entrée dans sa quatrième année d’existence et les efforts menés depuis commencent à porter leurs fruits. J’en veux pour preuve le chemin parcouru depuis 2018 et les premiers travaux d’analyse des flux financiers pour le développement menés par les experts de la Chaire. Il s’agissait alors d’examiner l’information dont disposent les décideurs, à commencer par les sahéliens, pour définir leurs politiques publiques. Ces dernières ne sauraient en effet être bâties sans données chiffrées. Celles relatives aux flux financiers externes sont de première importance, d’autant qu’est grande la dépendance de nos économies à ces flux. Or, cet examen a révélé que ces données, collectées par la Chaire elle-même avec l’appui des administrations, souffraient trop souvent de leur caractère incomplet voire d’une trop faible fiabilité. Plusieurs ateliers de discussion avec des représentants des gouvernements des pays du G5 Sahel et de la Côte d’Ivoire ont contribué à ce que la Chaire Sahel oriente ses travaux vers le renforcement de la capacité des Etats à disposer de bases de données fiables et d’une plateforme commune pour mieux les suivre. Cette plateforme constitue désormais un objectif important du programme d’activités de la Chaire Sahel. Une première étape a été de dresser un état des lieux des systèmes de suivi des flux financiers pour le développement dans chaque pays à partir des rapports nationaux élaborés par les points focaux locaux de la Chaire. Le long chantier de mise en place d’une telle plateforme est désormais lancé.
Les premiers travaux cités plus haut ont également mis en lumière les problèmes de mise en œuvre des projets et programmes de développement dans les pays membres du G5 Sahel et de la Côte d’Ivoire. Ils ont également permis de relever de bonnes pratiques permettant d’obtenir de meilleurs résultats dans la mise en œuvre de ces projets et programmes. Ces bonnes pratiques viennent d’être publiées sous la forme d’un guide méthodologique qui devrait améliorer l’exécution des projets et programmes et à en accroître l’impact au profit des populations.
La recherche de l’impact des projets de développement se heurte à la difficulté de sa mesure, particulièrement dans les zones les plus fragiles où il est souvent délicat de se rendre. Cette difficulté a motivé la Chaire Sahel à développer une méthode d’évaluation adaptée au contexte si particulier de ces zones, à partir du croisement de données géolocalisées et le données terrain qu’il est encore possible de collecter grâce à ses correspondants locaux. La Chaire Sahel s’apprête à publier un document de travail présentant cette méthode qui permet d'évaluer l'impact de l'aide extérieure dans une zone fragile à un coût raisonnable. Ce papier n’est pour l’instant qu’appliqué aux projets de la Banque mondiale, seul bailleur dont l’accès aux données projets géolocalisées est libre. Il est cependant prêt à être présenté et discuté avec tous les partenaires au développement avant que ne soit élargie ensuite l’étude à tous les projets menés sur l’ensemble de la zone sahélienne en fonction des données que les bailleurs pourront fournir. La Chaire Sahel espère pouvoir ainsi produire une évaluation de l’action des bailleurs indépendante, objective et couvrant les zones les plus difficiles d’accès.
Cette contrainte de données s’est aussi fait sentir lorsqu’il s’est agi, à la demande du Secrétariat exécutif du G5 Sahel, de mesurer le possible effet d’éviction des dépenses de développement par celles de sécurité. Et c’est encore grâce à ses nombreux relais locaux que la Chaire a pu collecter l’information nécessaire et surmonter ainsi cette difficulté. L’étude a clairement montré que les dépenses sécuritaires ont un impact significatif et négatif sur les dépenses de développement. Ceci complique la programmation budgétaire des pays sahéliens et renforce d’autant le besoin d’améliorer la qualité et la disponibilité des données nécessaires à l’élaboration de politiques publiques pertinentes.
La Chaire Sahel entend poursuivre ses efforts en ce sens et ainsi contribuer à faire mentir définitivement notre moteur de recherche préféré.