Les tendances et les différentiels de l’état nutritionnel des enfants sont analysés à partir des données des enquêtes EDS conduites dans les pays francophones du Sahel (Sénégal, Mali, Burkina, Niger, Tchad et Mauritanie). L’étude couvre autant que possible la période de 1990 à 2015, avec, cependant, des variations selon les pays en fonction de la disponibilité des données. Les données de la Mauritanie ne permettent pas d’analyse de tendance, mais seulement celle des différentiels. Les tendances sont analysées au moyen de modèles de régression linéaire selon la cohorte (année de naissance), en tenant compte du sexe et de l’âge. L’analyse différentielle porte sur lieu de résidence, la richesse des ménages, et le niveau d’instruction des adultes.
Dans les cinq pays pour lesquels on dispose de suffisamment de données, la taille des enfants de 12-59 mois augmente régulièrement au cours de la période considérée, indiquant une nette amélioration de l’état nutritionnel. Cette augmentation de la taille est particulièrement notable au Sénégal et au Burkina. L’évolution du poids est elle aussi positive, mais plus contrastée et particulièrement faible au Sénégal et au Tchad. Le rapport poids/taille (indice de masse corporelle ou IMC) évolue donc différemment dans les cinq pays : il diminue au Sénégal et au Tchad, est pratiquement constant au Burkina et au Niger, et n’augmente significativement qu’au Mali. Les différences entre les pays sont en partie dues aux différences dans les niveaux de départ (en 1990), et en partie due aux différences dans les évolutions de l’économie et de la santé publique entre les pays. La prévalence des différents types de malnutrition a fortement diminué dans les cinq pays, du fait de l’amélioration moyenne et du fait de la baisse des inégalités, mesurée par la réduction des écarts-type des distributions.
L’ordre de grandeur des différentiels est remarquablement consistant entre les pays. Les différences par sexe en poids, taille et poids-par-taille, sont quasiment identiques, les garçons étant plus grands et plus lourds. L’effet de la résidence urbaine sur la taille est plus marqué au Mali ; celui sur le poids est plus marqué au Burkina et au Niger ; par contre, celui sur le rapport poids/taille est négatif au Mali et au Tchad. Les effets de la richesse des ménages et du niveau d’instruction sont toujours positifs sur le poids et la taille, mais pas sur l’IMC au Sénégal. En Mauritanie, les différentiels sont grosso modo consistants avec ceux des autres pays, mais plus difficiles à interpréter du fait de la faiblesse de l’échantillon. Les catégories les plus favorisées sont proches des standards internationaux, sans être toutefois identiques.
Dans l’ensemble il apparaît que les progrès de la santé publique, et en particulier le contrôle des maladies infectieuses semblent avoir eu un effet notable sur la taille des enfants, mais que la croissance économique a été insuffisante pour permettre une amélioration du rapport poids/taille, tout en permettant cependant de le maintenir en moyenne au cours des 25 ans.