Forum africain pour la résilience

8 février 2018 > 9 février 2018, Abidjan

Patrick Guillaumont et Tertius Zongo étaient invités à s’exprimer sur des sujets touchant à la corrélation entre la sécurité, le développement et l’humanitaire, sur les défis et perspectives des régions Sahel et du Lac Tchad.

Organisé par la Banque africaine de développement, le Forum africain pour la résilience a pour objectif d’explorer et d’échanger sur les options innovantes contribuant à la mise en œuvre des cinq priorités stratégiques de la Banque, dites High 5 : éclairer l’Afrique, nourrir l’Afrique, industrialiser l’Afrique, intégrer l’Afrique, améliorer la qualité de vie des populations en Afrique.

Organisée les 8 et 9 février 2018 à Abidjan, la seconde édition du Forum a accueilli plus de 300 personnes et avait pour thème : Renforcer la résilience des populations au bas de la pyramide.

Tertius Zongo, ancien Premier ministre du Burkina Faso, senior fellow Ferdi et responsable africain de la Chaire Sahelétait intervenant pour la session plénière « Créer un environnement propice à l’augmentation du financement de solutions commercialement viables au niveau communautaire » et sur l’atelier parallèle consacré aux défis et perspectives des régions du Sahel et du Lac Tchad. [voir programme ci-dessous]

Patrick Guillaumont, président de la Ferdi était intervenant pour la session plénière sur « la corrélation sécurité –développement-humanitaire : la Corne de l’Afrique » aux côtés de Hugh MacLeman (OCDE-INCAF), AJ Morgen (IOM Burundi), Vanessa Moungar (BAD).

A l’issue du Forum, Patrick et Sylviane Guillaumont ont pu rencontrer les anciens du Cerdi présents à Abidjan.

Verbatim de l’intervention de Patrick Guillaumont

Chaque crise est une histoire spécifique, mais chacune livre des enseignements généraux quant aux facteurs et conséquences. La situation de la Corne de l’Afrique est évidemment différente de celle du Sahel, mais elles ont des aspects communs et les enseignements tirés correspondent aux conclusions du Sommet humanitaire d’Istanbul. Le cercle vicieux pauvreté-insécurité-pauvreté (conflict trap) y est amplifié par : - les conditions climatiques (sécheresse), - le radicalisme religieux, - l’opposition entre nomades et sédentaires face à la pénurie d’eau, - la stratification ethnique et ses implications séparatistes (plus poussées en Somalie). 

Les tentatives d’accord entre les parties n’ont pas abouti (pour la région Corne de l’Afrique) ou n’ont pas été appliquées (accord d’Alger pour le Sahel). Dans les deux cas la crise est régionale, avec des mouvements transfrontaliers de personnes, certes jusqu’ici plus intenses dans la Corne de l’Afrique (avec le plus grand camp de réfugiés au monde situé au Kenya), mais qui constituent une menace future pour tous les pays d’Afrique de l’Ouest, y compris pour les pays côtiers (Côte d’Ivoire).

Ainsi, les actions entreprises au niveau régional, telles le Drought Resilience and Sustainability Livehood Project dans la région de la Corne de l’Afrique ou le G5 Sahel, ont un rôle important à jouer. Elles concernent aussi les pays voisins, eux aussi fragilisés, pour rechercher des solutions et, au besoin, intervenir (Kenya, Côte d’Ivoire et CEDEAO).

Comment briser le cercle vicieux ?

La réponse « sécuritaire + humanitaire » n’a pas suffi dans la région de la Corne de l’Afrique, ni d’ailleurs au Sahel, car elle n’a pas suffisamment atteint « le bas de la pyramide ». La crise humanitaire a provoqué une réaction internationale, mais celle-ci était une réaction sécuritaire plus qu’une réaction orientée vers le développement. L’accompagnement par la politique de développement n’a pas été suffisant pour toucher aux racines de la crise. Ceci s’explique souvent par la difficulté de mise en œuvre, en particulier par la difficulté d’opérer dans des zones de grande insécurité où l’accompagnement implique des modes d’action et des procédures différents et le recours à l’action humanitaire et aux ONG locales.

L’enseignement commun est que l’action préventive est essentielle, ce qui correspond aux conclusions du Sommet d’Istanbul. Une action préventive inclut l’allocation de l’aide entre pays en fonction de la vulnérabilité économique, climatique, et de la fragilité politique. Elle implique aussi une orientation des actions de développement vers ce qui concerne le « bas de la pyramide » : éducation de base et développement rural. Comparée au coût des conflits, la rentabilité de la prévention est extrêmement élevée. Certes, nous ne sommes jamais sûrs de pouvoir prévenir, mais il est impératif d’identifier ce qui détermine la probabilité de conflits et d’événements violents, afin de pouvoir les diminuer. Pour éviter la récurrence, l’action curative rejoint au bas de la pyramide l’action préventive.

La question de la prédiction/prévention des conflits est bien revenue au cœur des préoccupations :

Extraits des Résolutions d’Istanbul – Sommet humanitaire mondial :

"Core Commitment 1: Commit to act early upon potential conflict situations based on early warning findings and shared conflict analysis, in accordance with international law".

D'ailleurs il est intéressant pour nous de noter que:

" requests that the Secretary-General develop a  comprehensive plan to strengthen conflict prevention at the United Nations based on lessons learnt and recommendations emanating from the Advisory Group of Experts on the 2015 Review of the United Nations Peacebuilding Architecture, the Report of the High-level Independent Panel on Peace Operations, and the Global Study on the implementation of resolution 1325, in time for the “World Prevention Forum” by 2020."

Le texte officiel de 25 pages contient 19 fois le mot vulnérabilité...