Sommet Idées 7: La gouvernance mondiale à l’heure du doute

21 mai 2018 > 23 mai 2018, Québec

Matthieu Boussichas est intervenu sur les questions liées à la sécurité, au développement et aux migrations.

Du 21 au 23 mai 2018, Matthieu Boussichas, Responsable de programme à la Ferdi  a participé au Sommet Idées7, organisé à l'Université de Laval au Québec, dans le cadre de la présidence canadienne du G7.
Le sommet a regroupé une trentaine d'experts des institutions universitaires et des laboratoires d'idées (think tanks) des pays membres du G7 pour réfléchir ensemble aux défis de la complexité et de l'inclusion dans la gouvernance mondiale. À l'issue de leur rencontre, ils ont présenté la synthèse de leurs réflexions aux représentants officiels des pays du G. I7: La Déclaration Idées7.

Quelle réponse du G7 face aux défis économiques, environnementaux et sécuritaires du Sahel?

Matthieu Boussichas (Ferdi) : Soumission au séminaire du Think Seven (T7), Laval, Québec City, 21-23 Mai 2017

Les 193 États membres des Nations Unies ont adopté en 2015 un agenda commun de développement durable, matérialisé par 17 grands objectifs thématiques et 169 cibles à atteindre par tous d’ici 2030. Ces objectifs du développement durable (ODD) couvrent les enjeux les plus importants auxquels font face les pays. Surtout, ce nouvel agenda souligne combien ces enjeux sont imbriqués entre eux et combien la coopération internationale est indispensable pour relever tous ces défis.

En tant que groupe de pays leaders, le G7 joue un rôle majeur dans la promotion de cet agenda et des valeurs qu’il porte. Cela nécessite de la part du G7 des politiques de coopération au développement fortes et coordonnées, qui prennent en compte tous les aspects du développement durable.

Parce qu’ils sont particulièrement complémentaires et liés les uns aux autres, les enjeux mis en avant par la présidence canadienne du G7 – croissance inclusive ; emploi ; genre ; environnement ; sécurité – ne peuvent être traités ni en silo, ni de façon isolée par chaque pays. Toute la question est de savoir comment coordonner au mieux les actions et les politiques publiques relatives à  ces enjeux pour que celles-ci soient le plus efficaces possibles.

Si le communiqué des ministres des Affaires étrangères et de la Sécurité du G7 du 28 avril 2018 réaffirme leur volonté de collaborer sur certains facteurs essentiels de la sécurité dans le monde, il ne traite que très peu des interactions entre les enjeux de sécurité et les autres priorités canadiennes. Or, il est nécessaire de bien comprendre ces liens afin de mettre en place des réponses adaptées et cohérentes pour que celles-ci soient efficaces et durables.

L’exemple du Sahel, qui curieusement ne figure pas parmi les exemples de régions d’insécurité cités par le communiqué, illustre bien les liens entre les thèmes privilégiés par la présidence canadienne mais également la nécessité d’une meilleure coordination des réflexions et des actions des bailleurs.

En effet, le Sahel connaît des situations de pauvreté et d’insécurité croissantes qui constituent un obstacle majeur à la réalisation des ODD dans ces pays, entretiennent le développement des trafics, favorisent la montée du terrorisme et poussent à la migration des millions de personnes. Face à ces périls, la seule réponse militaire ne suffit pas.

Le G7 doit pouvoir apporter une réponse globale au Sahel. A côté d’une action militaire coordonnée, les pays du G7 doivent mettre en place une politique de coopération et d’aide au développement ambitieuse et complète prenant en compte tous les facteurs et enjeux du développement : économie, emploi, inégalités, environnement, migrations mais également sécurité.

L’implication des pays du G7 dans cette région du monde est d’autant plus justifiée qu’ils partagent avec elle un destin pour partie commun. Au-delà des relations économiques et commerciales vouées à s’intensifier dans le futur, les enjeux sécuritaires et migratoires du Sahel ont de fortes implications pour le G7, en particulier pour les pays européens.

Les perspectives démographiques au Sahel pour le 21e siècle devraient accentuer la pression migratoire s’exerçant sur les pays du G7.

Autre facteur prépondérant de cette pression, l’insécurité grandissante se nourrit du sous- développement chronique. Le chômage et l’absence de perspective pour les jeunes sont des facteurs d’instabilité pour les pays, d’autant que cette jeunesse est très nombreuse, en forte croissance et n’a toujours pas le niveau d’éducation requis pour être employable. Une éducation de qualité et des formations adaptées à une population rurale à près de 70% sont donc fondamentales.

La sécurité doit permettre le développement afin que le développement lui-même puisse apporter une paix durable et la sécurité pour les populations. Les dépenses de sécurité sont d’ailleurs en grande partie laissées à la seule charge des pays sahéliens dont les revenus fiscaux sont jugés beaucoup trop faibles. Il existe un fort risque d’éviction des dépenses sociales par les dépenses de sécurité que l’action des bailleurs ne réduit pas suffisamment, loin s’en faut. Cette question pourrait par ailleurs conduire à s’interroger sur le type d’aide le plus adapté aux situations de crise.

Enfin, l’enjeu du réchauffement climatique ne peut être exclu de cette approche globale, en raison notamment des conséquences sur les rendements agricoles mais aussi parce qu’il existe une corrélation forte entre les migrations internes liées aux chocs climatiques et leur contribution à l’accroissement de la violence ou de l’insécurité.

Les leaders du G7 devraient s’engager :

  1. Pour une politique durable et vigoureuse pour le développement du Sahel, en cohérence avec les enjeux de sécurité. Cela implique entre autres d’accroître substantiellement l’aide apportée à cette région, d’améliorer la coordination des bailleurs et de s’interroger sur les nécessaires dépenses de sécurité qui souvent grèvent les budgets des Etats.
  2. Pour une amélioration de la gouvernance et des actions dans les zones rurales, notamment en faveur de l’éducation et du développement rural, sans perdre de vue la nécessaire transition démographique et la position des filles et des femmes qui constituent la partie la plus vulnérable de ces populations.
  3. Pour un soutien à des outils d’intervention spécifiques et adaptés, permettant le décloisonnement entre les enjeux, tels que l’Alliance pour le Sahel.
  4. Pour un support accru aux initiatives de recherche appliquée ayant pour objectifs de mieux comprendre le contexte local et de faciliter l’appropriation par les administrations locales des politiques de soutien.
  5. Pour une aide publique au développement permettant d’intervenir dans les situations les plus risquées et facilitant la mobilisation des investissements privés dans les pays les plus vulnérables.