Assurances indicielles et risques liés aux catastrophes naturelles dans les pays en développement
5 octobre 2017, 14h-18h, Paris
Atelier organisé par la Fondation pour les études et recherches sur le développement international (Ferdi), le Centre d'Etudes et de Recherches sur le Développement International (Cerdi) et l'Agence française pour le développement (AFD).
Contexte
Les pertes associées aux catastrophes naturelles ont fortement augmenté au cours des 30 dernières années. Cela résulte à la fois de l’accroissement de la population, de sa plus grande concentration en milieu urbain, et de l’accumulation croissante de richesses pouvant être détruites par les catastrophes naturelles. Les risques augmentent également en raison du changement climatique et ce, de manière exponentielle, si l’on se fie aux projections. Cependant, il est frappant de constater que l’écart de couverture entre les catastrophes naturelles non assurées et assurées a augmenté. Un manque de protection financière contre les désastres naturels entraîne une reprise lente, un coût important en secours et reconstruction, et une possible manipulation politique dans l’allocation de l'assistance suite aux catastrophes.
Pour cette raison, de nombreux pays ont commencé à introduire des systèmes de financement et d’assurance des risques liés aux catastrophes naturelles (Disaster Risk Financing and Insurance - DRFI). Le Mexique est un pays pionnier en la matière avec à la fois une stratégie nationale mise en place pour financer la reconstruction des biens publics affectés par des désastres naturels (FONDEN) et un programme spécifique visant à protéger les petits agriculteurs des pertes de rendement dues à la sécheresse (CADENA). Des systèmes DRFI bien conçus et mis en place peuvent avoir des avantages à la fois ex ante pour une meilleure gestion des risques et ex post pour mieux faire face aux chocs.
La Ferdi et le Cerdi ont organisé en juin 2015 un atelier Financement et assurance des Risques de Désastres Naturels coordonné par Alain de Janvry et Elisabeth Sadoulet, Senior Fellows à la Ferdi et Professeurs à l'Université de Californie à Berkeley. Cet atelier avait réuni plusieurs des meilleurs experts internationaux sur ces questions. L'objectif de l'atelier était d’étudier de manière rigoureuse les résultats des évaluations d'impact de certains programmes existants et de la politique de DRFI.
Sur cette base, et dans le cadre de leur collaboration de longue date, la Ferdi, le Cerdi et l'Agence française pour le développement souhaitent ouvrir un dialogue avec les praticiens du développement, les ONG, les banques privées et les compagnies d'assurance afin de confronter les résultats de la recherche avec l'expérience de ces acteurs. La Ferdi, le Cerdi et l’AFD souhaitent favoriser les interactions et les échanges d'expériences entre chercheurs et praticiens.
Mercredi 5 octobre
14.00 – 14.15
Opening remarks
Patrick Guillaumont, Président de la Ferdi
Gaël Giraud, Chef Economiste - Directeur Exécutif de la Direction innovation, recherche et savoirs, AFD
14.15 – 15.15
Session 1: Experiences with catastrophic insurance
Chair: Christophe Angely, Directeur de la stratégie, Ferdi
“Planning for disasters”
Daniel Clarke, Actuaire, Département des Actuaires, Gouvernement du Royaume-Uni, en détachement à DFID.
“Insuring Growth: The Impact of Disaster Funds on Economic Reconstruction in Mexico”
Alejandro Del Valle, Professeur au Robinson College of Business, Université de l’Etat de Georgie
Discussant: Olga Speckhardt, Responsable des solutions globales d’assurance, Syngenta Fondation pour une agriculture durable
15.15 – 16.15
Session 2: Experiences with index insurance
Chair: Philippe Roudier, Chargé de recherche sur les questions agriculture, climat et sécurité alimentaire, AFD
“Making index insurance work: A review of recent progress”
Michael Carter, Professeur à l’Université de Californie à Davis
“Combining index insurance with other risk-reducing instruments”
Alain de Janvry, Professeur à l’Université de Californie à Berkeley et Senior Fellow Ferdi
Discussant: Madeleine Latapie, Directeur Marketing & Développement, AXA Global Parametrics
16.25 – 18.00
Panel discussion: What future directions for research and innovations on catastrophic and index insurance?
Chair: Michael Carter, Professeur à l’Université de Californie à Davis
Introductions:
Daniel Clarke, Actuaire, Département des Actuaires, Gouvernement du Royaume-Uni, en détachement à DFID and Michael Carter, Professeur à l’Université de Californie à Davis
Panelist statements:
Antoine Roumiguie, Airbus Defence and Space / Airbus
Jean-Luc Perron, Vice-Président, Centre Yunus Paris
Assia Sidibé, Chef des Relations avec les Gouvernements pour la zone Afrique de l’Ouest et du Centre, African Risk Capacity
Tanguy Touffut, Directeur général, AXA Global Parametrics
Conclusion:
Daniel Clarke, Actuaire, Département des Actuaires, Gouvernement du Royaume-Uni, en détachement à DFID, Michael Carter, Professeur à l’Université de Californie à Davis
Gaël Giraud, Chef Economiste - Directeur Exécutif de la Direction innovation, recherche et savoirs, AFD
Le 5 octobre 2017, devant une soixantaine d’universitaires, de praticiens du développement et de professionnels des assurances, la Ferdi et l’AFD ont organisé une conférence sur le sujet des assurances indicielles et les assurances contre les risques de catastrophes naturelles. Cette conférence s’inscrit dans la continuité des ateliers animés par Alain de Janvry et Elisabeth Sadoulet sur les assurances climatiques.
Elle a réuni Gaël Giraud (AFD), Patrick Guillaumont (Ferdi), Christophe Angely (Ferdi), Daniel Clarke (gouvernement du Royaume Uni), Alexandro Del Valle (Université de l’Etat de Georgie), Olga Speckhardt (Syngenta Fondation pour une agriculture durable), Philippe Roudier (AFD), Michael Carter (Université de Californie à Davis), Alain de Janvry (Université de Californie à Berkeley et Senior Fellow Ferdi), Madeleine Latapie (AXA Global Parametrics), Antoine Roumiguie (Airbus), Jean-Luc Perron (Yunus Center Paris), Assia Sidibé (African Risk Capacity), Tanguy Touffut ( AXA Global Parametrics), Vincent Caupin (AFD).
La conférence s’est ouverte sur les mots de bienvenue de Gaël Giraud et de Patrick Guillaumont qui a rappelé la participation de la Ferdi à l’axe de recherche « impacts économiques des catastrophes naturelles » du label I-Site de l’Université Clermont Auvergne. Christophe Angely et Philippe Roudier ont respectivement introduit les sessions 1 (Experiences with catastrophic insurance) et 2 (Experiences with index insurance).
Pourquoi des assurances contre les risques de catastrophes naturelles ? De nombreux arguments militent en faveur du développement d’outils de protection avant catastrophe naturelle. Dans son ouvrage Dull Disaster présenté lors de la conférence, Daniel Clarke souligne les coûts engendrés par le manque d’anticipation et de financement des futures catastrophes naturelles, alors qu’un comportement proactif de la part des Etats pourrait permettre un déblocage rapide des fonds et une meilleure résilience après catastrophe.
La réflexion de Daniel Clarke porte sur le développement d’outils ex ante : plans de financement (budget ou fonds « catastrophe », ligne de crédit dédiée, assurances traditionnelles, assurances indicielles), définition de processus décisionnaires et partenariats entre gouvernements. C’est dans cette optique que le Centre for Global Disaster Protection a été créé.
Alexandro Del Valle a présenté un cas d’application d’outil ex ante : le programme Fonden, fonds pour la réduction des risques au Mexique. Les résultats de cette étude montrent qu’après une catastrophe naturelle, la reprise économique est plus rapide pour les communes bénéficiaires du fonds et les communes environnantes que pour les communes qui ne sont pas qualifiées au fonds. En réponse à Olga Speckhardt qui a souligné l’absence du secteur privé dans les outils de protection ex ante présentés, les deux chercheurs ont reconnu que des solutions impliquant le secteur privé se développaient mais étaient encore à un stade d’innovation.
Quel rôle l’assurance indicielle joue-t-elle sur la réduction des risques ? Parmi la population d’environ 1 milliard de personnes se situant sous le seuil de pauvreté, la plupart vit en milieu rural. Ces populations sont donc particulièrement vulnérables aux catastrophes naturelles. Investir dans des assurances indicielles semble être une solution de réduction des risques pour ces populations rurales. Michaël Carter a montré l’impact positif que peuvent avoir les assurances indicielles non seulement sur l’investissement des agriculteurs mais également et au final sur la nutrition. Toutefois, les assurances indicielles ont encore beaucoup de progrès à faire : les montants des primes restent élevés, les contrats sont de qualité faible et ne garantissent pas toujours l’indemnisation, et il y a peu de communication sur leur fonctionnement. L’objectif est donc de focaliser la recherche sur les progrès à réaliser. Il est notamment important d’intégrer des normes minimum de qualité au contrat d’assurances, d’améliorer encore davantage la collecte des données (observations par satellite, information fournie par les agriculteurs) pour le déclenchement des indemnités. En complément à l’assurance indicielle, d’autres instruments de réduction des risques existent [voir power point].
Pour Alain de Janvry combiner les différents instruments permet un plus fort impact sur la réduction des risques. Les innovations technologiques, les prêts d’urgence, les programmes d’assurance gratuite pour les petits agriculteurs (tel que le système Cadena au Mexique) sont autant d’outils pouvant être combinés à l’assurance indicielle. Dans ses questions aux chercheurs Madeleine Latapie a notamment souligné l’intérêt porté par AXA aux assurances indicielles, mais outre le peu de communication sur ces assurances, la difficulté porte sur la définition et la mise en œuvre des contrats.
Antoine Roumiguie, Jean-Luc Perron, Assia Sidibé, et Tanguy Touffut se sont ensuite exprimés en table ronde où ont été évoqués les progrès dans la mesure des pertes agricoles ainsi que le calcul du seuil de déclenchement des indemnités, les progrès techniques sur la mesure des rendements, la difficulté des assureurs à proposer des produits normés et la nécessité de subventionner l’assurance et d’aider les agriculteurs à payer leurs primes. Sur ce dernier point, Daniel Clarke a souligné que la question de la robustesse des chiffres doit se poser si l’on souhaite impliquer les agences de développement et Assia Sidibé a également remarqué que ce type de subvention est déjà versé, les Etats étant conscients de l’intérêt à fournir des subventions pour l’assurance plutôt que de financer les conséquences d’une catastrophe naturelle [voir power point].
Les participants de la table ronde ont discuté de l’importance de la participation du secteur privé et de la création d’une plateforme d’échanges entre les acteurs concernés et la nécessité d’un observatoire mondial de l’assurance agricole.
Daniel Clarke, Michael Carter et Vincent Caupin ont clôturé la conférence en rappelant que si les Etats souhaitent réagir rapidement lorsqu’une catastrophe naturelle survient, cela suppose que des outils financiers et une stratégie d’intervention soient déjà en place et que la diversité des parties prenantes participe à l’utilisation de ces outils.