Graduation et différenciation au regard de la vulnérabilité et de la fragilité

21 mai 2018, New-York

Evénement organisé par UN-OHRLLS et la Ferdi en parallèle aux 6e rencontres de haut niveau du Development Cooperation Forum (DCF)- ECOSOC.

En collaboration avec le Bureau du Haut Représentant des Nations unies pour les pays les moins avancés, les pays en développement sans littoral et les petits États insulaires en développement (UN-OHRLLS), la Ferdi a organisé un événement parallèle au Development Cooperation Forum 2018 sur le thème de la graduation et la différenciation des pays.

Celui-ci s’est tenu le 21 mai 2018 à New York.

Modéré par Patrick Guillaumont, Président de la Ferdi, il a réuni les panélistes suivants:

Shamshad Akhtar, Secrétaire général adjoint des Nations unies et Secrétaire exécutive de UN-ESCAP

Roland Mollerus, Chef du Secrétariat du Comité pour les politiques de développement  (CDP / UN-DESA)

Robin Ogilvy, Représentant spécial de l’OCDE au Nations unies

Susanna Wolf, Chargé de programme Senior à UN-OHRLLS

Ngueto Tiraina Yambaye, Ancien ministre de l’Economie et du Plan du Tchad et ancien directeur exécutif du groupe Afrique II au Fonds monétaire international 

Contexte

L'objectif de cette session parallèle était de discuter de l'importance de la prise en compte des vulnérabilités dans la différenciation des pays, de la définition des catégories de pays et de la manière dont les donateurs soutiennent une transition douce pour les pays gradués.

Le renforcement de la durabilité et de la résilience par le biais de la coopération au développement implique la prise en compte des différents types de vulnérabilité - économique, sociale et climatique - auxquels sont confrontés les pays en développement.

Pour les pays les moins avancés, la vulnérabilité, qui est un élément clé de la catégorie, n'est pas un critère obligatoire pour la sortie de la catégorie des PMA, mais elle est davantage considérée d'un point de vue qualitatif. 

L'Assemblée générale des Nations unies a invité les partenaires au développement à tenir compte de la vulnérabilité dans l’allocation de leur aide, afin de promouvoir une transition sans heurt après la sortie de la catégorie PMA. A un niveau de revenu par habitant plus élevé, la vulnérabilité a également été reconnue comme un élément à prendre en compte pour la définition de la liste des pays en développement éligibles à l'APD élaborée par le Comité d'aide au développement de l’OCDE (CAD).

Par ailleurs, concernant la graduation à des niveaux intermédiaires de revenu, en particulier au regard des instruments financiers de différenciation utilisés par les banques multilatérales de développement, la vulnérabilité n'est pas systématiquement prise en compte, alors que la fragilité de l'État peut impliquer un traitement spécial. 

Cet événement parallèle a réuni des représentants de haut niveau des gouvernements, des institutions internationales et de la société civile pour discuter de la manière dont la vulnérabilité et la fragilité peuvent être prises en compte de manière cohérente.

Voir : Éléments de contexte par Shamshad Akhtar 

Compte-rendu

Lors de cet événement parallèle a été soulignée l'importance de prendre en compte les vulnérabilités dans la différenciation des pays, la définition des catégories de pays et la manière dont les donateurs soutiennent une transition douce pour les pays gradués. 

Il existe de nombreuses raisons justifiant la différenciation des partenariats pour le développement, au premier rang desquelles la grande hétérogénéité des pays dont certains se trouvent être dans des situations très spécifiques.

Ce besoin de différenciation implique des règles, automatiques ou discrétionnaires. La simple utilisation du niveau de revenu par habitant s’avère réductrice, c’est pourquoi la prise en compte de critères de vulnérabilité, bien que ce concept soit complexe à définir précisément, semble judicieuse et adaptée pour intégrer la dimension durable du développement.

Lorsque l’application d’une mesure de politique n’est pas binaire, l’utilisation de critères continus plutôt que des catégories discontinues de pays se révèle plus pertinente : cela permet notamment d’éviter les effets de seuils, de différencier les pays au sein d’une catégorie, et d’amortir les sorties de catégories.

L’usage de critères continus évite également l’instabilité dans l’appartenance à une catégorie pour les pays dont les caractéristiques sont proches des seuils d’inclusion et graduation (même si graduation et inclusion peuvent répondre à des règles asymétriques pour éviter ce problème de réversibilité, comme avec les PMA par exemple).

Une implication de ce débat concerne l’allocation de l’aide, et ce à plusieurs égards.

Le débat a notamment abordé le cas des pays à revenu intermédiaire en raison du grand nombre de pauvres qu’ils comptent et d’une éventuelle perte de ressources extérieures lorsqu’ils sortent de la catégorie PMA et/ou pays à faible revenu. C’est néanmoins la responsabilité des pays gradués – qui sont supposés connaître une amélioration de leur économie – de partager avec les plus pauvres de leur population le fruit de cette amélioration. De plus, la catégorie PMA (ou les critères qui la définissent) rassemble des pays généralement affectés par des handicaps structurels significativement plus importants que dans les autres catégories de pays.

Il a également été discuté de l’importance de prendre en compte les causes profondes des conflits qui sont aujourd’hui le principal catalyseur des vulnérabilités et des fragilités, afin d’éviter à termes de devoir consommer une partie importante des ressources concessionnelles en faveur d’une catégorie de pays identifiés comme fragiles. Ce point illustre la pertinence de considérer des variables continues permettant d’identifier des faiblesses à des stades précoces et de les prendre en compte dans les allocations plutôt que des catégories de pays dont les membres ne font partie que lorsque la faiblesse est suffisamment importante pour être prise en compte.

Le cas des PMA illustre particulièrement le sujet de l’évènement parallèle. Le caractère binaire de l’appartenance ou non à la catégorie implique des changements abrupts dans le statut des pays et leur accès à nombre de mesures – tandis que le développement est un processus continu.

Les PMA gradués peuvent ainsi ne plus être éligibles aux mesures de support spécifiques qui leur sont réservées tandis qu’ils font face à de nombreuses vulnérabilités persistantes. Les Nations Unies accompagnent les PMA lorsque ceux-ci se trouvent gradués et encouragent les bailleurs à mettre en place des mécanismes visant à lisser les effets de seuils. C’est dans cet esprit que l'Assemblée générale des Nations unies a invité les partenaires au développement à tenir compte des critères d’identification des PMA dans l’allocation de leur aide (résolution A/RES/67/221), afin de promouvoir une transition sans heurt après la sortie de la catégorie PMA. La Commission européenne applique actuellement cette règle. D’autres bailleurs multilatéraux réfléchissent également à mieux tenir compte de cette résolution dans leurs allocations. Un point important souligné lors du débat est que les pays partenaires puissent être pleinement partie prenante des processus d’évaluation et de décisions d’inclusion ou de graduation.

En outre, de nombreux pays sont également vulnérables au changement climatique, critère non pris en compte dans la définition de la catégorie.  Le CDP (Comité pour les politiques de développement) des Nations Unies propose à ce titre la création d’une catégorie spécifique de pays faisant face à une vulnérabilité extrême au changement climatique et à d’autres chocs environnementaux afin de garantir à ces pays l’allocation d’une aide spécifique. Au risque de multiplier les catégories et d’amoindrir la pertinence de la catégorie des PMA. Une autre solution serait de réviser les critères de la catégorie PMA pour mieux tenir compte de la vulnérabilité au changement climatique.