Conférence organisée par l’Agence française de développement (AFD), en partenariat avec la Fondation pour les Études et Recherches sur le Développement International (Ferdi), le Centre de coopération International en Recherche Agronomique pour le Développement (CIRAD) et le Centre de Recherches Insulaires et Observatoire de l’Environnement (CRIOBE).
La conférence se tiendra les 1er et 2 décembre 2016 à l’Agence française de développement, 5 rue Roland Barthes, 75598 Paris Cedex 12.
La logique des Communs a d’ores et déjà renouvelé de nombreux champs. Elle réinterroge les fondements traditionnels de l’économie, du droit, de la sociologie et des sciences politiques. En plaçant les usagers et les citoyens au cœur des processus de régulation et de gestion, elle est porteuse de sens pour une agence d’aide au développement. L’objectif de cette conférence est de rassembler et faire dialoguer les pratiques et les recherches menées sur l’articulation entre la production de Communs et les dynamiques de développement. Elle fera appel à une pluralité de grilles d’analyse et de disciplines.
La conférence sera introduite par Gaël Giraud, chef économiste, AFD, CNRS, Paris, France. Les Keynote confirmés sont :
Le comité scientifique est composé de :
- Sigrid Aubert, CIRAD
- Martine Audibert, CNRS-CERDI
- Sarah Botton, AFD
- Jean-Louis Combes, CERDI, Université d’Auvergne
- Benjamin Coriat, Université Paris 13
- Benoit Daviron, CIRAD
- Vianney Dequiedt, CERDI, Université d’Auvergne
- François Gaulme, AFD
- Alain Karsenty, CIRAD
- Philippe Lavigne-Delville, IRD [à confirmer]
- Etienne Le Roy, Université Paris 1
- Fabienne Orsi, IRD
- Béatrice Parance, Université Paris 8
- Françoise Rivière, AFD
- Irène Salenson, AFD
- Nicolas Vincent, AFD
- Olivier Weinstein, Université Paris 13
Et des membres du comité d’organisation :
- AFD : Stéphanie Leyronas
- Ferdi : Grégoire Rota Graziosi
- CIRAD : Sylvain Perret
- CRIOBE : Tamatoa Bambridge
Depuis 1950, les politiques de développement ont évolué au gré de l’histoire économique. Elles se sont appuyées sur des concepts riches, sans que le champ sémantique des termes ne soit toujours stabilisé. Après les longs et complexes débats qui ont animé les pratiques conduites sous le registre de l’Aide au Développement, les années 1990 voient s’imposer deux notions majeures.
Il s’agit d’abord de la notion de « gouvernance » dont le contenu n’a eu de cesse d’évoluer depuis son apparition en littérature économique. Dans les années 1990, les processus d’ajustement structurel et la conditionnalité associée viennent renforcer les mécanismes de l’économie libérale et s’inscrivent en rupture avec l’idée qu’une politique publique forte et structurante est un élément nécessaire de toute politique de développement. Cette priorité donnée aux logiques de marché deviendra progressivement le coeur du discours autour de la notion de « bonne gouvernance ». Face au constat partagé d’échec de ces politiques, la notion s’élargit. Il ne s’agit pas seulement des actes gestionnaires de l’État pour permettre un environnement favorable aux mécanismes de marché, mais de la capacité à ériger des institutions efficaces permettant de concilier la dynamique de croissance, la réduction de la pauvreté, la promotion de l’équité, l’utilisation et la préservation durable des ressources et de l’environnement. Cette posture nécessite de composer dans une plus grande ouverture d’esprit, en dehors des dogmatismes attachés au néo-libéralisme ou aux impasses du tout-État.
Il s’agit ensuite de la notion de biens publics mondiaux (BPM). Face aux interdépendances croissantes entre pays et à l’incapacité des marchés comme des politiques nationales à gérer correctement les grands enjeux planétaires, ils remettent à l’ordre du jour la question du besoin d’une réglementation et d’outils internationaux de gouvernance dans les trois dimensions du développement durable (Severino, 2001) : économiques (stabilité financière), sociétales (savoirs, santé, paix) et environnementales (ressources naturelles, biodiversité, climat). Les négociations climatiques ont mis en évidence l’illusion d’une gouvernance publique internationale et la nécessité de considérer une gouvernance multi-niveaux, impliquant les acteurs publics, privés et de la société civile, et ce dès le niveau local (Aykut et Dahan, 2015).
La réflexion sur les communs nourrit et revitalise celles initiées autour de la gouvernance et des BPM. Elle met en avant la possibilité de construire un espace entre le marché et l’Etat dans la coordination des acteurs, à des échelles diverses. Elle propose ainsi une grille d’analyse renouvelée des actions d’aide publique au développement.
Ce concept rencontre un écho de plus en plus important, notamment depuis l’attribution en 2009 du prix Nobel d’économie à la politologue américaine Elinor Ostrom (Ostrom, 1990). Cette auteure a démontré sur une base empirique que de nombreuses ressources naturelles (Common Pool Resources, CPR), en général renouvelables, peuvent être bien gérées localement par des communautés restreintes, diverses, qui se fabriquent des normes ad hoc pour éviter l’effondrement de leurs ressources. Elle s’oppose à « la tragédie des biens communs » théorisée par Garret Hardin qui stipule que lorsqu’une ressource est en libre accès, chaque utilisateur est conduit spontanément à puiser sans limite sur la ressource, conduisant à sa disparition (Hardin, 1968).
Les communs se définissent à partir de trois éléments : une ressource, une communauté et un ensemble de droits et d’obligations définis par la communauté. La ressource peut être physique, comme des pâturages gérés par une communauté, ou immatérielle, comme le savoir local ou les logiciels libres. Elle peut également avoir une portée plus globale (la santé, l’éducation, le climat). Le travail sur les communs bénéficie déjà de solides acquis, mais qui doivent souvent encore être consolidés ou prolongés. La recherche de contenus plus affinés est une tâche centrale et une approche pluridisciplinaire des communs est seule en mesure d’appréhender la diversité des visions et de dépasser les nombreuses idées fausses qui souvent les entourent (Kanbur et Riles, 2008).
A côté des questions théoriques qu’ils font surgir, les communs constituent d’abord une multitude de situations locales concrètes, de cas de gestion opérationnelle, permettant de définir des possibles sortant de la dichotomie Etat / marché, et de réinterroger le rapport à la propriété. Ils invitent à repenser démocratie, espace social et les institutions qui leur sont associées. Les communs reposant davantage sur un processus que sur des catégories de biens ou de services, en décider relève d'un choix politique collectif explicite.
Outre l’intérêt de l’approche systémique qui nous invite à repenser le développement à partir du concept de commun, cette entrée permet d’appréhender la performance d’un système organisé au-delà de la seule rationalité économique des acteurs. L’efficience du système ne se réduit pas à l’optimalité de Pareto, dont les faiblesses sont bien connues (Giraud, 2010). Elle porte surtout sur une vision dynamique et multicritères incluant l’équité et la soutenabilité. Elle renvoie à l’existence d’un capital social fort, une solidarité entre les membres, des capacités d’action collective, une diminution des coûts de transaction par la confiance et une volonté de bien-être partagé (Brondizio et al., 2009). Elle se manifeste enfin dans la résilience du système face à des chocs et sa capacité à se transformer face à des évolutions endogènes et exogènes (Diaw, 1998).
Pour une agence d’aide au développement, la logique des communs est porteuse de sens. Elle invite à donner plus de poids à des enjeux qui, sans cela, courent toujours le risque d'être négligés : la biodiversité, la santé, l'éducation, la sécurité, etc. Elle permet de placer les usagers et les bénéficiaires au coeur des processus de régulation et de gestion. Néanmoins, les communs apparaissent parfois vulnérables et les relations entre « les communs et les politiques de développement » posent de nombreuses questions.
(Liste non exclusive)
Axe 1 : Que nous enseignent les communs en termes d’impact sur le développement des pays du Sud?
- Objectifs des communs : gestion, ou non, des compromis entre des objectifs économiques, environnementaux et sociaux au sein de collectifs et sociétés au Sud, effets pervers, etc.
- Durabilité des communs : soutenabilité sociale, soutenabilité environnementale, soutenabilité économique, durabilité du « faire commun », etc.
- Résilience des communs fonciers face à des chocs externes (migrations, crises et conflits, etc.) et des contraintes nationales ou internationales (fonds verticaux, construction de filières, etc.)
- Communs et équité : rapports de force, inclusion et exclusion, partage des pouvoirs, etc.
- Communs et démocratie participative, légitimité des acteurs, etc.
- Cas d’échec, de dislocation, de pertes d’influence de ces formes collectives et d’impacts négatifs de l’aide au développement
Axe 2 : Comment appréhender les communs en termes d’acteurs, de modèles juridiques et d’indicateurs ?
- Modèles juridiques : qualification et reconnaissance de la communauté, mode d’appropriation, processus de décision, institutionnalisation et conditions d’application
- Mise à l’échelle : passage de l’analyse des communs localisés à des modèles réplicables ou élargis géographiquement
- Articulation des drivers macro de type Objectifs du développement durable (ODD) avec la praxis locale et régionale, et débat politique
- Indicateurs : légitimité d’action (création de nouveaux communs), processus de renforcement des capacités, action collective, rôle de l’aide publique au développement
Axe 3 : Comment caractériser les communs en termes d’interactions avec les sphères publique, marchande et politique ?
- Emergence, évolution et fonctionnement des communs : interactions avec les pouvoirs publics, centralisés, déconcentrés et décentralisés, la société civile et la sphère marchande
- Les modèles économiques des communs : soutenabilité économique, lien avec la sphère marchande (économie sociale et solidaire, économie collaborative, etc.)
- Rôle des politiques publiques dans la promotion et la préservation des communs, et inversement, rôle des communs dans la légitimation de l’action publique
- Rôle des entreprises dans la construction de communs et de capital social
- Les communs multi-territorialisés (filières, territoires ruraux, zones interfaces rural/urbain, etc.) : liens entre sphères locales et injonctions et prescriptions globales, processus d'appropriation, modalités de régulation, articulation d’intérêts sectoriels et privés, interface territoriale (entre local, régional et parfois global)
- Les services communs (eau, électricité, irrigation, etc.) : enjeux spécifiques liés aux services en réseaux (capacités techniques, capacités financières, objectifs d’accès, etc.)
Axe 4 : Qu’est-ce que les communs apportent dans la réflexion sur les biens publics mondiaux ?
- Opposition et complémentarité des communs et des biens publics mondiaux dans le contexte des pays en développement
- Caractère fractal des communs : drivers endogènes locaux et démarches bottom-up vs drivers exogènes politiques et démarches top-down, caractère extrapolable ou non des institutions en oeuvre dans les communs locaux et des résultats à d'autres échelles, caractère fractionnable d’une gouvernance de BPM au niveau local, importance du capital social
- Communs régionaux autour de ressources stratégiques : enjeux institutionnels, articulation institutions et actions collectives, « polycentrisme », etc.
- Sujets potentiels (3 grands thèmes) :
o climat, déforestation, biodiversité,
o fiscalité internationale, liquidité des banques, régulation des marchés, stabilité financière,
o sécurité alimentaire, santé, sécurité, migrations, etc.
- Enjeu du changement d’échelle face aux capacités de renforcement du capital social
L’objectif de cette conférence est de rassembler et faire dialoguer les recherches menées sur l’articulation Communs et dynamiques de développement, à l’échelle internationale, en faisant appel à une pluralité de grilles d’analyse et de disciplines. Quatre axes non exclusifs les uns des autres sont privilégiés, des analyses transversales à plusieurs axes étant bien-sûr autorisées (Annexe).
Références :
Aykut, S. et A. Dahan (2015), Gouverner le climat ? 20 ans de négociations internationales, Références, Presse de Sciences Po
Brondizio E., Ostrom E. and O. R. Young (2009), “Connectivity and the Governance of Multilevel Social-Ecological Systems: The Role of Social Capital”, Annual Review of Environment and Resources, Vol. 34: 253 -278
Diaw, M.C. (1998), From Sea to Forest. An Epistemology of Otherness and Institutional Resilience in Non-Conventional Economic Systems, Conference paper, Crossing Boundaries, the Seventh Biennial Conference of the International Association for the Study of Common Property Vancouver, British Columbia, Conference Paper
Giraud, G. (2010), La Théorie des jeux, Flammarion (3ème éd)
Hardin, G. (1968), “The Tragedy of Commons”, Science, New Series, Vol. 162, No. 3859, pp. 1243-1248
Kanbur, R. and A. Riles (2008), The Contested Commons: Conversations Between Economists and Anthropologists, Blackwell Publishing, in P. Bardhan and I. Ray (eds.)
Ostrom, E. (1990), Governing the Commons: The Evolution of Institutions for Collective Actions, Cambridge: Cambridge University Press
Severino, J.M. (2001), « Refonder l'aide au développement au XXIe siècle », Critique internationale 2001/1 (no 10), p. 75-99. DOI 10.3917/crii.010.0075