Le samedi 21 décembre 2019, le président de la République française et le président de la Côte d'Ivoire réunis à Abidjan à l'occasion de la visite du premier ont ensemble annoncé la fin du franc CFA et son remplacement par l'éco. Ce changement présenté comme historique par les deux présidents, mais cosmétique par certains de leurs opposants, était attendu depuis quelques mois, puisque les responsables ivoiriens avaient pris au début de l'année l'initiative en toute discrétion de demander la réforme qui vient de prendre corps. Cette réforme a été annoncée comme « la mort du CFA » et comme le dernier acte de la déconnexion des structures monétaires de l'Union économique et monétaire d'Afrique de l'Ouest d'avec la France.Cette annonce éminemment politique a été présentée comme une réponse aux attentes de la jeunesse africaine et à une campagne récurrente sur le caractère « néocolonial » des relations monétaires entre la France et les États africains membres de la zone franc. Peu importait alors que les critiques fussent ou non fondées, les arguments pour y répondre étant devenus pour partie inaudibles. Bien des commentaires qui ont suivi l'annonce en témoignent par les erreurs qu'encore ils véhiculent.Ayant analysé il y a deux ans les principales options qui s'offraient aux pays africains pour la réforme monétaire en Afrique (Revue d'économie du développement, 2017, n° 2), nous ne pouvons que nous féliciter de voir mis en œuvre plusieurs de celles que nous suggérions, à commencer par la condition que toute réforme soit conduite à l'initiative des pays africains, ce qui semble bien être le cas. Certes le président français l'a présentée comme une initiative conjointe, mais il a en même temps souligné à plusieurs reprises qu'il répondait à une demande africaine.Cette demande, le président Ouattara lors de l'annonce d'Abidjan en a précisé les contours et la perspective. Comme il l'avait fait deux semaines auparavant à Dakar avec le président Macky Sall, loin de critiquer les fondements économiques du système, il a souligné qu'il avait assuré la stabilité monétaire, tout en permettant la croissance, mais qu'une page politique était tournée. Pour pouvoir en garder les bénéfices, il fallait en changer le contexte et la perception politiques. Il fallait le purger de ce qui nourrissait critiques et fantasmes, tout en le situant dans une perspective régionale élargie.