Emilie Caldeira, Maître de conférences à l'Université Clermont Auvergne – Cerdi, Fellow Ferdi et Anne-Marie Geourjon, Responsable du programme Fiscalité de la Ferdi ont animé les discussions de ce séminaire.
La plateforme française sur la mobilisation des ressources intérieures publiques dans les pays en développement (MRIP) a pour objectifs de doter la France d’un document d’orientations stratégiques sur «la mobilisation des ressources intérieures publiques & développement», de doter les services d’une feuille de route annuelle sur la base du document d’orientations stratégiques et de créer un espace de réflexion sur les questions de ressources domestiques et les programmes de coopération y afférant en facilitant le dialogue «chercheurs – praticiens». Plus d'information.
Thèmes abordés :
Fiscalité indirecte
Dépenses fiscales
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TVA : enjeux pour nos entreprises, enjeux pour les pays en développement, quel bilan ?
Contexte. La fiscalité indirecte, essentiellement la TVA, a été considérée dans les pays en développement, comme le vecteur principal de la transition fiscale « de première génération ». Avec le recul, il est maintenant possible de faire le bilan des caractéristiques des systèmes de TVA (politique fiscale) et de la façon dont elle est appliquée (administration) pour mieux maîtriser ses effets économiques et budgétaires. La mesure de l’efficacité de la TVA s’est ainsi améliorée en décomposant l’efficacité de la TVA en deux composantes l’une mesurant l’écart par rapport à l’assiette théorique dû à la politique (policy gap) et l’autre l’écart dû à un défaut d’administration (compliance gap). Les évaluations des écarts de TVA (VAT gap), réalisées d’abord dans les pays de l’OCDE, sont maintenant entreprises dans les pays en développement en complément des estimations des dépenses fiscales. Le développement de ces méthodes d’évaluation des performances de TVA devrait permettre de mieux cibler les mesures de politique fiscale à prendre (détermination du seuil, par exemple), voire de reconsidérer certains principes, comme l’application d’un taux unique, et de montrer l’importance du rôle des administrations, en particulier en ce qui concerne le remboursement des crédits. La spécificité du contexte des pays en développement où la TVA peut dans certains cas avoir les mêmes effets qu’un droit de douane, doit être prise en compte pour orienter les actions à entreprendre. Ainsi, pour les biens échangeables produits localement, par exemple les produits agricoles, l’exonération de TVA mine la compétitivité en favorisant les biens équivalents importés.
Discussion. La discussion était organisée en format élargi et animée par Anne-Marie Geourjon autour des thèmes :
Bibliographie.
Bird, Richard, and Pierre-Pascal Gendron, 2011 [2007], “The VAT in Developing and Transitional Countries,” Cambridge University Press, New York, NY.
Gendron, Pierre-Pascal, 2016, “Real VATs vs. the Good VAT: Reflections from a decade of technical assistance”, Paper presented at VAT Symposium “VAT in Developing Countries: Policy, Law and Practice”, Pretoria, South Africa, October 18.
Keen, Michael, 2013, “The Anatomy of the VAT”, IMF Working Papers WP/13/111, International Monetary Fund.
Droits d’accise : enjeux de collecte, enjeux sociaux (tabac, alcool…).
Contexte. Les accises représentent un potentiel inexploité de recettes. Elles ont plusieurs objectifs : l’amélioration des recettes fiscales en complément de la TVA (transition fiscale) ; l’internalisation des externalités négatives pour faire supporter les coûts sociaux (santé, pollution, congestion) aux consommateurs (tabacs, alcools, carburants) ; la réduction des externalités ; et la redistribution dans le cas de la taxation des biens de luxe. Les priorités données à ces différents objectifs ont sensiblement évolué. La mobilisation de recettes reste prioritaire, mais de plus en plus d’importance est accordée à la réduction des externalités, ce qui implique d’adapter les systèmes d’accises en particulier pour les tabacs et l’alcool. Les modalités de taxation, soit ad valorem, soit spécifique, doivent s’adapter aux objectifs recherchés. Or, chacune d’entre elles présente des avantages et des inconvénients. Une taxe ad valorem est la modalité de taxation la plus efficace pour mobiliser des recettes fiscales, notamment dans les pays à forte inflation, puisqu’elle repose directement sur la valeur du bien. Plusieurs conditions doivent toutefois être remplies pour que la taxe ad valorem contribue à une mobilisation accrue de recettes : (1) l’administration doit avoir la capacité d’évaluer correctement la valeur du bien, (2) elle peut contrôler les prix de transfert, et (3) l’élasticité prix de la demande est faible. Une taxe spécifique est la modalité de taxation la plus appropriée pour internaliser les externalités négatives, à condition qu’elle taxe directement la quantité consommée de la substance à l’origine de l’externalité (degré d’alcool, taux de nicotine). En revanche, l’incitation à la réduction de l’externalité due aux quantités consommées, varie selon les technologies de production, notamment pour des biens de qualités différentes. L’application de la taxe réduit la quantité consommée totale (biens de qualité inférieure et supérieure) en fonction des élasticités prix des biens (effet revenu). Elle réduit par ailleurs le prix relatif du bien de qualité supérieure : un effet substitution conduit alors à une augmentation de la part du bien de qualité supérieure dans la consommation des ménages. L’inflation limite très largement l’efficacité de la taxe spécifique si celle-ci n’est pas indexée sur l’évolution des prix, en réduisant l’incidence de la taxe sur le prix à la consommation, donc la variation du prix relatif. Les avantages et inconvénients de l’une et l’autre des modalités de taxation ont conduit certains pays (Kenya, Cameroun, par exemples) à utiliser des systèmes mixtes. Le potentiel de recettes que représentent les accises, ainsi que le besoin de mieux maîtriser leurs effets dans le but de réduire certaines externalités, nécessitent de mener des analyses qui demandent de disposer de données fiables et détaillées, en particulier sur les recettes de ces taxes qui jusque-là ne sont pas disponibles.
Discussion. La discussion était organisée en format élargi et animée par Anne-Marie Geourjon autour des thèmes :
Bibliographie
Bird, Richard M., and Sally Wallace, 2010, “Taxing Alcohol in Africa: Reflections and Updates,” International Center for Public Policy Working Paper Series, at AYSPS, GSU paper 1031, International Center for Public Policy, Andrew Young School of Policy Studies, Georgia State University.
FAD, IMF, 2016, How to Notes, “Fiscal Policy: How to Design and Enforce Tobacco Excises?”
Keen, Michael, 1998, “The Balance between Specific and Ad Valorem Taxation”, Fiscal Studies, 19(1).
Enjeux globaux, pilotage politique, évaluation et transparence Exonérations et incitations à l’investissement.
Contexte. Une dépense fiscale est un transfert de ressources publiques résultant d’une réduction des obligations fiscales relativement à une norme, plutôt que d’une dépense directe (OCDE, 2010). L’évaluation des dépenses fiscales et sa publication en annexe de la loi de finances participent à une plus grande transparence budgétaire et à la rationalisation du système fiscal permettant une amélioration de la mobilisation des recettes intérieures. En effet, d’une part, nombre d’exonérations ou de régimes dérogatoires constituant des dépenses fiscales ne relèvent pas de la loi (Code des impôts, Code des douanes, Code des investissements, ou Codes sectoriels), mais de conventions d’établissement particulières, i.e. de décisions discrétionnaires dont les modalités fiscales demeurent inconnues de la population. D’autre part, l’estimation des dépenses fiscales contribue aux efforts d’élargissement de la base imposable. Elle est essentielle à l’étude des écarts fiscaux (tax gaps) des grands impôts qui consiste à mesurer la différence entre les recettes effectivement collectées et celles espérées.
L’évaluation des dépenses fiscales impose une approche en trois étapes : (1) la définition d’un système fiscal de référence (SFR), (2) la revue de toutes les mesures dérogatoires à ce SFR qui ont cours dans le pays, (3) l’estimation du coût de ces mesures. Plusieurs méthodes d’évaluation existent pour cette dernière étape selon que le comportement des contribuables (entreprises ou consommateurs) concernés par les mesures dérogatoires est intégré ou non à l’analyse. Une autre option est d’estimer une dépense publique (directe) équivalent à la dépense fiscale visée. L’approche dominante est celle la plus simple, consistant à supposer inchangé le comportement des contribuables concernés par les mesures dérogatoires (CIAT, 2011, CREDAF, 2015). Bien qu’en apparence assez simple, cette méthodologie d’évaluation doit être rigoureusement définie afin d’éviter les pièges qui conduisent souvent à une surévaluation de la dépense fiscale (Geourjon et Rota-Graziosi, 2014).
Les dépenses fiscales peuvent être classées selon leur objectif : celles visant à favoriser l’investissement et celles soutenant la consommation des ménages. Les premières relèvent des incitations à l’investissement et les travaux de recherche les concernant étudient essentiellement leur efficacité en termes de création d’emploi, de promotion des investissements (attractivité du pays) ou des exportations (zones franches) et de croissance plus généralement. Il apparaît que des mesures dérogatoires visant directement les investissements tels que des crédits d’impôt ou des règles d’amortissements accélérés seraient plus efficaces que des exonérations d’impôt sur les bénéfices pourtant largement répandues. L’analyse du second type de dépenses fiscales visant à soutenir la consommation est davantage menée en termes d’équité et de redistribution. Ainsi, des taux réduits de TVA restaurent certes une certaine progressivité de cet impôt, mais s’avèreraient défaillants pour cibler correctement les ménages les plus pauvres (OCDE, 2014). De même, les réductions d’impôt sur les revenus des personnes physiques relatives aux personnes à charge, de type coefficient familial, concernent principalement les salariés, qui dans les pays en développement ne sont pas dans la catégorie des ménages les plus pauvres.
Discussion. La discussion était organisée en format élargi et animée par la Ferdi autour des thèmes :
Bibliographie
Centre de Rencontres et d'Études des Dirigeants des Administrations Fiscales (CREDAF), 2015. Evaluation des dépenses fiscales, Guide méthodologique.
Centre Inter-américain des Administrations Fiscales (CIAT, 2011), Handbook of Best Practices on Tax Expenditures, An Iberoamerican Experience, Inter American Centre of Tax Administrations
Geourjon, A.-M. et G. Rota-Graziosi, 2014. « L’illusion des dépenses fiscales », Notes brèves, FERDI, B96.
Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), 2010. Les dépenses fiscales dans les pays de l’OCDE, Paris : OCDE.
Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), 2014. The Distributional Effects of Consumption Taxes in OECD Countries, OECD Tax Policy Studies, No 22.